Cinq jours à Addis Abeba

Jour 1

Pourtant, c’était mal parti. Dans l’avion, mes boules Quiès, mon casque antibruit et mon somnifère n’ont pas eu raison des trois gamines de 18 mois à 4 ans et demi qui étaient assises dans la rangée d’à côté et qui ont passé la nuit à pleurer ou à couiner, sans que leurs parents soient capables de les calmer un peu, parents qui – en plus – m’avaient obligé à changer de place pour cause de regroupement familial. Les célibataires responsables (qui s’organisent et qui, dans le cas présent, réservent leur place à l’avance) payent toujours pour les parents irresponsables (qui doivent savoir qu’ils seront de toute façon prioritaires). Donc: nuits blanches et petits agacements.

Arrivé à Addis, les formalités administratives sont très rapides. Mais le numéro du taxi dont je dispose est erroné. Des Éthiopiens m’expliquent que ce n’est pas un numéro éthiopien. Me voilà bien, tiens, à errer dans le hall de l’aéroport en me demandant comment je vais retrouver la maison où je suis censé loger. Je pense bien sûr à prendre un taxi lambda, mais une adresse précise, je n’ai jamais vu ça en Afrique, et je n’en ai donc pas.

Mais c’est ici que la première impression des Éthiopiens se forge. Comme je dois avoir l’air un peu paumé, plusieurs d’entre eux viennent vers moi, très simplement et visiblement sans arrière-pensée, pour tenter de m’aider. En vain, à vrai dire, car ils ne peuvent ni trouver le numéro qu’il me manque, ni connaître l’adresse de ma logeuse. J’entrevois alors une solution: il faut que je trouve une connexion internet dans cette fichue aérogare. Apercevant ce qui semble être un bureau de tourisme, je m’en approche et pose ma requête. Les types me font entrer, me font asseoir à l’un de leurs bureaux, et me voici, devant l’ordinateur à envoyer un mail à Liza (la logeuse) pour lui expliquer mon problème. Je termine en écrivant que j’attends Salomon (le chauffeur) et en lui indiquant mon numéro français. Environ quinze minutes plus tard, elle m’appelle pour me dire que Salomon m’attend dehors.

La conclusion de ce premier incident, c’est que d’emblée je me suis fait une opinion très positive des Éthiopiens: courtois et affables. On dit pourtant le contraire: hautains et arrogants. Pour l’instant, je n’en ai pas fait l’expérience. J’avais l’habitude de la gentillesse intéressée des Centrafricains; ici, personne ne m’a encore rien demandé en retour du service rendu, même si je me suis probablement déjà fait arnaquer en payant un taxi ou d’autres choses.

La maison où je loge est mignonne et Liza fort sympathique. C’est une anthropologue slovène qui travaille dans une ONG après avoir été enseignante et chercheuse à l’université d’Addis.

Une fois qu’elle m’ait présenté la maison, le quartier et le plan de la ville, elle part travailler, et moi explorer les lieux. Selon moi, la découverte d’une ville doit d’abord se faire avec les pieds. Le paysage passant forcément plus lentement, on peut prendre le temps de mesurer les distances, de repérer les rues, de s’approprier la structure de la ville, de contempler les jardins, les routes, les bâtiments.

C’est pourquoi je m’engage d’une extrémité de la ville à l’autre, tantôt à l’instinct, tantôt en jetant un œil sur le plan très précis dont je dispose. Je me retrouve au bout de deux heures dans le quartier de « la gare » (en français dans le texte), point de départ du « Chemin de fer Djibouto-Ethiopien » (en français dans le texte, hors-service depuis quelques années). Dans ce quartier vit une femme à qui je dois remettre un colis. Celle-ci m’accueille avec sa fille dans une minuscule maison située dans un genre de bidonville, avec latrines publiques en extérieur que j’ai la joie de tester à deux reprises. Elle me sert à manger du wat (sauce pimentée, servie ici avec de la viande) que l’on prend avec l’injera (genre de pain sans levain, galette de mil). C’est vraiment très bon, mais très épicé, et surtout les deux femmes insistent pour que je mange, que je mange, que je mange… Elles me resservent sans cesse, passant outre mes objections… À la fin je n’en peux vraiment plus. Je ne peux pas terminer mon assiette… Je vous jure, c’est physiquement impossible. Je reste finalement quatre heures chez elles, à parler en français de choses et d’autres, avec la télé allumée qui passe des films américains de qualité inégale. Puis le neveu arrive. Il me fait faire un tour du quartier (le club des cheminots, l’église…) et me raccompagne chez moi en taxi, vers 18 heures, avant que la nuit ne tombe.

Jour 2

Je me lève vers 8h30, fait ma lessive, prépare mon petit-déjeuner, bouquine un peu, écrit quelques lignes, et pars faire des courses. Dans un pays dont on ne connait rien, acheter trois tomates et un pain relève de l’exploit, car cela oblige à s’exprimer, à échanger avec les habitants, il faut compter ses sous, trouver les bonnes boutiques… Et puis, petit exploit après petit exploit, on peut commencer à être à l’aise.

Et justement, deuxième exploit à accomplir dans ma journée: prendre un bus pour me rendre à « Piazza », le quartier vaguement central, où est situé notamment l’hôtel de ville. Le réseau de bus est assez bien fichu, mais les directions indiquées au-dessus des véhicules sont écrites en lettres amhariques, donc incompréhensibles pour moi. Mais Liza m’a expliqué la logique du réseau, et ma marche de la veille m’a permis de repérer quelques lieux. Je me retrouve donc à Piazza assez vite, sans avoir à effectuer de changements. Le bus est en fait un minibus dans lequel on peut s’entasser à presque 20. Comme il ne fait pas chaud, ce n’est pas aussi gênant que dans la plupart des pays d’Afrique noire auxquels je suis habitué. Le contrôleur me parle de Jésus-Christ qui est le sauveur du monde dans un anglais approximatif que je lui rends bien volontiers, en roulant les r et en détachant chaque syllabe comme lui.

Je reste environ une heure à Piazza avec la ferme intention d’y retourner le lendemain. Puis je me rends à quatre kilomètres de là, dans un quartier bien nommé « Harat kilo », ce qui signifie « quatre kilomètres » (le kilomètre zéro étant Piazza). De là je marche jusqu’à « Amist kilo » (cinq kilomètres) où je visite le musée national d’Ethiopie. Celui-ci est un peu délabré, mal organisé, manquant d’explications, mais on y trouve son compte tout de même (41 centimes d’euros), notamment parce que s’y contemple la très célèbre et merveilleuse (comme l’appellent les Éthiopiens) Lucy, ou du moins une réplique de son squelette où apparaissent de couleurs différentes les pièces retrouvées et celles reconstituées.

Après cela, je reprends ma route jusqu’à « Sidis kilo » (six kilomètres) dans le but de me taper un autre musée, celui d’Ethnologie, sis dans la magnifique université d’Addis Abeba. Mais il est fermé. Je rebrousse chemin jusqu’à Harat kilo puis jusque chez moi. Je refais quelques courses pour mon dîner et mon petit-déjeuner, et je termine ma journée à lire, vous écrire et préparer la suite de mon voyage. Je songe un instant à sortir boire une bière dans le quartier, mais mes paupières s’abattent sur mes globes oculaires. Je ne peux rien faire d’autre que me coucher, après m’être assuré que le radiateur est bien allumé.

Jour 3

Mimi, la bonne de Liza, arrive vers 10 heures. Nous avons convenu la veille qu’elle me préparerait le café aujourd’hui avec tout le cérémonial traditionnel. Car ici, il existe une cérémonie du café. En voici les étapes, telles que je les ai observées (il se peut que certains gestes importants m’aient échappé et qu’au contraire d’autres insignifiants prennent ici une importance qu’ils n’ont pas) :
– Tout d’abord, faire des braises;
– Ensuite, une fois les braises chaudes, faire griller dans une mini poêle les fèves de café en ne cessant pas de les remuer (c’est ce qu’on appelle, je crois, la torréfaction);
– Au bout d’une demi heure environ, quand les fèves sont parfaitement grillées, il faut les moudre, à l’aide d’un pilon (éventuellement avec un mixeur électrique);
– Pendant ce temps-là, on commence à faire brûler de l’encens sur un autre brasero plus petit; on fait également chauffer de l’eau;
– Lorsque le café est moulu, on le transvase dans la cafetière remplie d’eau et on attend que le mélange atteigne la quasi ébullition.
– C’est prêt! On boit, en n’oubliant pas de remettre régulièrement de l’encens sur les braises.

Je ne sais pas bien à quoi correspond tout ce cérémonial, je ne l’ai lu nulle part. Pour l’instant, je regarde encore cela avec la même idée que je peux me faire des gens qui aiment faire la vaisselle, qui dorment dans des draps (plutôt que dans une couette), qui aiment passer le balai, ou qui font des recherches dans des encyclopédies papier: bref, des gens qui, selon moi, s’enquiquinent l’existence au nom de la tradition, des habitudes ou de je ne sais quoi d’autre. (Inutile de vouloir répondre à ce paragraphe: il est de pure mauvaise foi.) J’ai lu plus tard qu’il y avait encore une série de traditions autour de ce café, que ce sont toujours les femmes qui le préparent, qu’il faut en accepter au moins trois tasses sous peine de malédiction, que son nom provient probablement de Kaffa – le lieu où il fut créé…

C’est à une heure déjà bien avancée de l’après-midi que je me mets en tête de retourner à Piazza pour manger, et surtout pour acheter mon billet d’avion pour Dire Dawa. Arrivé à Harat Kilo, il m’est impossible de monter dans un autre bus car nous sommes trop nombreux à avoir le même souhait: à chaque minibus qui arrive, c’est une ruée qui se forme, et je ne peux pas faire le poids; j’en suis à peine à demander où se rend ce bus que déjà il est plein. Une seule solution, donc: la marche. À cause de ma crainte de passer pour un touriste, et donc mon refus de trop sortir ma carte, je me paume. C’est un peu exténué que je parviens à trouver l’agence d’Ethiopian Airlines.

Après un repas qui se termine à 16 heures, j’erre dans le quartier avec l’idée de trouver un sac un peu plus grand que ma « banane » qui, en plus d’être craignos, est trop petite pour y fourrer mon iPad. Vaine recherche: je ne retrouve indéfiniment que les mêmes modèles, dans tous les magasins, aux mêmes prix… Comment vivent toutes ces boutiques, à vendre exactement la même chose, les unes à côté des autres? Je me posais déjà la même question en Centrafrique, et j’ai une bribe de réponse: l’original ou l’hurluberlu qui voudrait lancer une nouvelle mode ne prendrait pas seulement le risque de rater son coup, c’est sa vie et celle de sa famille qu’il mettrait en danger. Les pays de précarité ne donnent pas la possibilité de prendre des risques, les enjeux en sont trop importants. Du coup, je me rabats sur le modèle le plus petit que je trouve, sans parvenir à négocier un centime de Birr.

C’est avec moins de difficultés qu’à l’aller que je rentre chez moi.

Jours 4 et 5

C’est de l’hôtel Jupiter que j’envoie cet article, car la connexion Internet est fournie avec les consommations. Un bon Coca (servie dans un magnifique verre à vin, s’il vous plait!) suffit à surfer pendant des heures… C’est le quatrième jour de mon séjour, et la suite est maintenant établie: cet après-midi et demain, je continue à explorer Addis, et lundi je m’envole pour Dire Dawa, deuxième plus grande ville d’Ethiopie où a vécu l’aventurier Henry de Monfreid, dans l’Est. J’y resterai quelques jours, puis je partirai à Harar, ville passionnante dit-on, où a vécu Rimbaud.

Quelles conclusions tirer de ces premiers jours? D’abord, je suis éreinté: marcher, rester souriant, être à l’écoute, discuter en anglais, tenter de prendre quelques rudiments d’amharique, comprendre les choses, tout cela, à 2500 mètres d’altitude, m’épuise… Addis est une ville assez étonnante. Très élevée, elle est aussi composée de nombreuses collines; on passe ainsi son temps à monter et à descendre. Comme beaucoup de villes africaines je pense, elle est moche et polluée. L’architecture et l’urbanisme sont désordonnés, vilains, sans cohérence. Mais on s’y sent assez vite bien, c’est une ville dynamique et joyeuse, avec de vrais musées, une vie culturelle intense entre théâtres, concerts, cinémas et expositions.

J’en aurai plus ou moins fait le tour demain, au terme de ces cinq jours.

Bibliographie:
Exploration guide for Addis Abeba City & the surrounding areas, Office du tourisme et de la culture d’Addis Abeba, 2009. C’est un guide qui traînait chez Liza; il fournit des renseignements intéressants sur la ville et il est bien illustré.
Addis Ababa, City Map, publiée par l’ambassade de l’Allemagne en Ethiopie, 1ère édition 2008. Cette carte à l’échelle 1/20000e est mon outil le plus cher, je ne la quitte pas!

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Demain, l’Ethiopie

Ce soir, je m’engouffrerai dans un Boeing 747 de la compagnie Ethiopian Airlines en direction d’Addis Abeba. C’est au petit matin, demain peu après 6 heures, que l’avion atterrira sur le tarmac de l’aéroport de la capitale de l’Ethiopie.

Après cela, le vide, ou presque. Je suis censé appeler un dénommé Salomon qui viendra me chercher et m’accompagnera chez Liza, une Slovène qui loue quelques-unes des chambres de sa belle maison du quartier des ambassades. Je dois y rester cinq jours.

Je doute que cinq jours soient vraiment utiles pour faire le tour d’Addis, mais c’est le temps qu’il me faudra pour prendre mes marques, repérer la (les) gare(s) routière(s), m’approprier la ville, comprendre sa structure urbaine, visiter les quelques hauts lieux historiques et culturels, et surtout préparer la suite du voyage.

Il faut dire que mon blog risque de bien mal porter son nom pendant trois semaines, car actuellement c’est la saison des pluies en Ethiopie, et cette pluie conjuguée à l’altitude (Addis est la capitale la plus haute d’Afrique, à 2500 mètres) provoquent des températures assez basses… C’est pourquoi je suis face à un dilemme : me farcir un temps dégueulasse dans le Nord du pays qui présente le plus d’intérêt historique (ma sensibilité et mon métier me portent dans cette direction), ou supporter un temps plus acceptable dans un Sud moins fascinant et moins exceptionnel – mais intéressant quand même – (ma haine de la pluie et mon amour de l’ombre m’y poussent). En réalité, j’ai déjà fait mon choix, mais pour l’instant je le garde pour moi – il demeure susceptible de changer dans la confrontation avec des paramètres que je n’identifierais qu’une fois sur place.

Je ne suis pas de ceux qui planifient leur voyage à la minute près. J’aime me perdre, me retrouver dans des endroits a priori sans intérêt, j’aime improviser au gré des rencontres et des circonstances, voyager le cœur léger et le nez au vent, explorer les contre-allées plutôt que les grandes avenues.

Je me suis constitué un paquetage minuscule, de quelques kilos seulement. En voici la liste exhaustive :
– un peu de technologie : un iPad, un iPod shuffle, un casque, un téléphone 2 SIM (!), un appareil photo, les câbles qui vont avec (un seul transfo), une lampe frontale ;
– quelques sous-vêtements de rechange, de quoi tenir trois jours (en se changeant tous les jours), un maillot de bain ;
– une veste de pluie, un pull, un khādī, un chapeau ;
– dans ma pharmacie : quelques pansements, deux compresses, trois dosettes de collyre et deux d’antiseptique, un antipaludéen et de la crème solaire (seront utiles si je vais à Harar, la ville de Rimbaud), du Zovirax, des antidiarrhéiques, du paracétamol, de l’ibuprofène, des somnifères (pour l’avion), des boules Quiès, trois paquets de mouchoirs en papier ;
– quelques nécessaires de toilette : une serviette de bain de 40 grammes, un reste de dentifrice, une brosse à dent, un savon de Marseille (qui servira autant pour mon corps que pour mes vêtements), un petit tube de shampoing, un coupe-ongles ;
– trois livres : un guide touristique, une méthode d’Amharique (la langue nationale) et Les Misérables de Victor Hugo ;
– mes papiers : passeport, argent, carte des vaccins, carte du groupe sanguin, carte Visa ;
– des lunettes de soleil (on ne sait jamais, entre deux averses) ;
– un sac poubelle ;
– un stylo ;
– un duvet ultraléger (j’ai hésité, car je suis sûr qu’il ne me servira pas) ;
– une poche ventrale (ce qu’on appelle vulgairement une banane) ;
– un colis d’1,5 kg environ que l’on m’a transmis pour une Ethiopienne qui vit à Addis, dont je me débarrasserai dans les premiers jours ;
– à tout cela il faut ajouter, évidemment, les vêtements que je porte sur moi.

Je suis prêt sans l’être vraiment. Demain, je serai en Ethiopie ; je suis excité et anxieux à l’idée de ce bond dans l’inconnu. Mais quand on se retrouve au bout de la planche, bien harnaché, face au vide, il serait dommage de ne pas sauter.

Bibliographie :
CANTAMESSA Luigi, avec la collaboration de AUBERT Marc, Découverte Ethiopie, Guides Olizane, 2005
GUETACHEW K., KAITERIS C., Amharique express, guide de conversation pour voyager en Ethiopie, Dauphin, 2ème édition 2013
HUGO Victor, Les Misérables, 1862, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1951 : ce sera mon livre de chevet et de trajet pendant ces trois semaines.

Webographie :
Pour voyager léger, le site de la randonnée légère et de la MUL (marche ultralégère)  fournit pas mal de techniques et de renseignements.

Une insoumise

Il y a quelques jours, j’ai fait la connaissance d’une jeune fille extraordinaire.

Son histoire commence lorsqu’elle a quatorze ans,  le 11 février 1858. Elle vit dans le Bigourdan qu’elle n’a jamais quitté, elle est analphabète, et ses parents sont extrêmement pauvres. Toute la famille habite dans le cachot d’une ancienne prison, un bouge infect, sale, humide et minuscule. Un matin, l’adolescente part de chez elle avec sa petite sœur et sa voisine pour chercher des fagots. Une série de circonstances pousse les fillettes vers un lieu qu’elles ne connaissent pas, une grotte au bord de la confluence d’un petit canal et d’une rivière, le Gave de Pau. Le lieu sert habituellement de « pâturage » pour les cochons. Apercevant du bois sous la grotte, de l’autre côté du canal, la petite sœur et la voisine se déchaussent pour traverser le ru, et se mettent au travail. Ma nouvelle amie, elle, asthmatique et chétive, hésite d’abord, puis s’assoit et retire son premier sabot. Elle sent un petit coup de vent qui l’étonne, elle se retourne, puis commence à retirer son deuxième sabot. Un autre souffle vient l’interrompre. De nouveau elle lève la tête, et aperçoit alors, dans le creux d’une niche au-dessus de la grotte, une jeune fille très belle qui la regarde. Tétanisée par cette apparition, elle met la main à la poche pour saisir son chapelet. De l’autre main, elle veut effectuer le signe de croix, mais n’y parvient pas, jusqu’à ce que l’apparition elle-même se signe.

Les deux fillettes de l’autre côté du cours d’eau s’impatientent et pestent de voir leur camarade prier pendant qu’elles sont en train de travailler. Elles remarquent toutefois son air étrange et extasiée. L’adolescente finit par sortir de sa torpeur, termine de se déchausser, traverse le canal, et se met au travail. Elle demande simplement :
– Vous n’avez rien vu ?
– Non, lui répondent les deux autres. Qu’est-ce que nous aurions dû voir ?
– Rien, rien…

Sur le chemin du retour, la plus petite remarque l’attitude bizarre de son aînée. Celle-ci finit par lui révéler ce qu’elle a vu : une jeune fille très belle, au-dessus de la grotte. La petite sœur, qui s’appelle Toinette, ne tardera pas à répéter dans toute la ville de Lourdes ce que Bernadette a vu.

Dès le lendemain, lorsque Bernadette retourne à la grotte de Massabielle, quelques personnes l’accompagnent. Le surlendemain, une dizaine, puis une centaine… Quinze jours après, ce sont des milliers de personnes qui sont assemblées pour prier et se recueillir avec Bernadette. Entre temps, Bernadette Soubirous, qui ne voulait rien dire, qui n’a jamais rien demandé à personne, est traitée de folle, de menteuse, elle est convoquée plusieurs fois par le commissaire, puis par le procureur impérial, puis par le curé lorsque l’Apparition demandera d’organiser une procession et de construire une église. Elle est soumise à des examens psychologiques car le préfet, craignant le désordre et l’agitation provoqués par l’enfant, souhaite la faire interner.

Mais Bernadette, cette petite pauvresse sans instruction, fragile, ne s’exprimant qu’en patois, s’avère d’une intelligence et d’une simplicité désarmantes. Elle répond à toutes les questions avec précision, ne se perd pas en commentaires et conjectures. Elle tient tête à tous ces messieurs qui veulent l’impressionner. L’Apparition, dès le troisième jour, délivre des messages que Bernadette relaie sans jamais ajouter ni retirer aucun élément, elle ne les commente pas.

Lorsque l’Apparition demande à Bernadette de creuser dans la terre, une source en jaillit. Les premières guérisons inexpliquées ne se font pas attendre : des paralytiques retrouvent l’utilisation de leurs membres handicapés, des aveugles voient, des enfants au bord de l’agonie sont éclatants de santé…

L’affaire monte jusqu’à l’évêque, jusqu’à l’empereur Napoléon III, et même jusqu’au pape. Aujourd’hui, la grotte de Massabielle est un des plus grands sanctuaires du monde, tant par sa superficie (plus de 50 hectares) que par le nombre de pèlerins qui s’y rendent (environ 7 millions par an).

La grotte de Massabielle, juillet 2013
La grotte de Massabielle, juillet 2013

J’avais déjà eu l’occasion de m’y rendre, dès 1997 lorsque j’étais lycéen, mais je n’avais jamais perçu la puissance spirituelle des lieux, probablement comparable à celle de la Ka’aba à la Mecque en Arabie Saoudite, de Lhassa au Tibet, ou de Bénarès sur les bords du Gange en Inde, ou encore de Rome et de Jérusalem. Du monde entier on s’y rend pour prier, pour boire l’eau de la source et s’y laver, ou tout simplement pour contempler ce site magnifique, jadis un sous-bois tout juste bon pour les cochons, aujourd’hui chargé d’une force extraordinaire. La jeune fille a fini par se présenter à Bernadette, à la 16ème apparition (sur 18), comme étant « l’Immaculée Conception » (Immaculada Concepciou).

Je suis revenu à Lourdes du 14 au 21 juillet dernier, avec ma marraine. Nous y avons passé une semaine, avec des pèlerins de toutes les nations dans un esprit de fraternité au service des handicapés, des malades mentaux, des pauvres et des oubliés. C’est fabuleux de voir ces milliers d’éclopés (aux sens propre et figuré) rayonner de joie, de voir ces adolescents courir partout pour proposer de l’eau aux mamies, ces trisomiques qui portent les brancards des paralytiques, ces dépressifs et ces épileptiques qui sont autant des porteurs que des portés. Ma marraine était bénévole comme hospitalière aux « piscines », pour accompagner les pèlerins dans leur plongée dans l’eau de la source de la grotte. Quant à moi, j’étais chargé de guider et d’informer les pèlerins et les touristes sur les sanctuaires. « Où sont les toilettes ? », « à quelle heure est la prochaine messe en italien ? », « comment peut-on se baigner dans l’eau de la source », « quand a été construite cette basilique ? », « où se trouve la salle Jean XXIII ? », « d’où partira la prochaine procession eucharistique ? », « peut-on trouver un distributeur de billets sur les sanctuaires ? » : devoir répondre à toutes ces questions m’a poussé à découvrir en profondeur l’histoire de Lourdes et de Bernadette, à comprendre la spiritualité des lieux. Et cela m’a passionné.

Je me suis pris de passion pour cette indigente d’une bourgade des Pyrénées, cette gamine qui a suscité tant de mépris à son encontre dans une société déjà gangrénée par le laïcisme et l’illusion des Lumières, cette insoumise qui a fait preuve d’une grande intelligence – une intelligence pleine de bon sens populaire et paysan – face aux autorités, aux élites locales, aux médecins à la botte du pouvoir, aux journalistes parisiens… C’est cette intelligence et cette force qui ont donné aux événements de Lourdes leur retentissement mondial, qui ont converti même les plus incrédules. Car Bernadette – toutes les sources l’attestent – en faisant l’économie de paroles, en répondant toujours droit et simple, a désarmé les puissants et les assis.

Moi aussi, elle m’a désarmé. Jusqu’à cette semaine de juillet, je ne croyais pas aux apparitions. Sans penser que Bernadette pût être folle, je me disais que ses visions devaient être dans sa tête. Mes deux années en Centrafrique m’avaient aidé à comprendre le surnaturel, car ce pays en regorge et l’on ne peut pas en comprendre les modes de vie sans s’intéresser à la sorcellerie, aux métamorphoses, à la crainte des morts, aux fétiches. Avec Bernadette, j’ai accepté que le surnaturel dépassait la superstition, qu’on pouvait y croire pourvu qu’on admette ne pas en être le maître.

On peut continuer à se moquer de la paysanne de Lourdes, comme je l’ai vu le faire certains touristes, notamment des protestants néerlandais observant d’un air hautain la grotte et la statue de la Vierge qui la surplombe. Mais dès que l’on rencontre Bernadette – dès que l’on prend la peine de la rencontrer vraiment – on ne peut être que charmé et conquis, si ce n’est par la foi, au moins par le message transmis qui nous appelle à bousculer nos vies, à davantage nous soucier de l’autre – surtout de celui que la société rejette – à rester droits dans nos bottes, et, en définitive, à être des insoumis.

Les Sanctuaires vus du château de Lourdes, juillet 2013
Les Sanctuaires vus du château de Lourdes, juillet 2013

Bibliographie :

Le livre de référence pour connaître Bernadette, c’est celui-ci :
LAURENTIN René, Vie de Bernadette, Desclée de Brouwer, 1979
ou sa version courte :
LAURENTIN René, Petite vie de Bernadette, Desclée de Brouwer, 1984
ou sa version longue:
LAURENTIN René, Bernadette vous parle, 1972, réédition Mediaspaul / Lethielleux, 2011

Récemment a été publié un petit livre très abordable qui pourra aider ceux qui le souhaitent à prier avec Bernadette :
DE LA TEYSSONIÈRE Régis-Marie, La spiritualité de Bernadette, Artège, 2013

Le hors-série n°2 du Lourdes Magazine, la revue du Pèlerin publié en 2008, intitulé « Le journal d’un siècle » retrace toute l’histoire du site de Lourdes : les étapes de la construction des différents bâtiments et monuments du sanctuaire, les hommes qui ont joué un rôle majeur dans cette histoire…

Filmographie :

Le film le plus récent, Je m’appelle Bernadette de Jean Sagols, date de 2008. C’est une fiction retraçant l’adolescence de Bernadette, plus particulièrement la période des apparitions (février-juillet 1858). Katia Miran interprète très justement (et très joliment) Bernadette, avec une fraîcheur et une joie qui passent très bien à l’écran. Le film est plutôt bien réalisé et bien joué, mais passe trop vite à mon goût sur des points essentiels. Le film s’attache plutôt à raconter les faits bruts, sans leur donner de contenance spirituelle, et tente de décrire la personnalité de Bernadette. Le film, initialement, devait s’appeler L’insoumise, et c’est ce qui m’a donné l’idée du titre de cet article.

Plus ancien, un peu vieilli, mais à mon sens plus intéressant : Bernadette, réalisé en 1988 par Jean Delannoy. C’est Sidney Penny qui interprète Bernadette, et son jeu me semble mieux correspondre à la personnalité paradoxale de Bernadette : forte et fragile, sûre d’elle et timide, espiègle et obéissante (Katia Miran, dans Je m’appelle Bernadette, me paraît trop insolente). Le film prend le temps de dérouler toutes les étapes de la période des apparitions, puis de la vie à l’hospice chez les Sœurs de la Charité de Nevers (à Lourdes). La scène de la première apparition est vraiment très belle, et elle n’est gâchée que par une bande originale mal choisie. Delannoy a réalisé un deuxième film en 1989, avec les mêmes acteurs, La passion de Bernadette, qui est en fait le récit de ses 13 années à Nevers, avant sa mort. Ce film m’a semblé être une succession de petites anecdotes, et au final il me parait un peu cucu. Mais si vous n’avez pas le courage de lire des biographies, vous aurez l’essentiel. Et puis, Sidney Penny est vraiment une jeune fille bien jolie, même déguisée en bonne soeur.

Webographie :

Vous trouverez de nombreux renseignements et actualités en allant sur le site des sanctuaires de Lourdes.

L’intelligence de l’autre

« L’intelligence de l’autre », tel est le très beau titre d’un livre dont je n’ai encore eu le temps que de lire les prolégomènes, écrit par Michel Sauquet. Dans la première partie de ce livre, Sauquet essaie de définir les notions complexes d’appartenance, de stéréotypes, de culture. Il analyse les problèmes soulevés par ces notions, et pose ce qu’on dit de la culture, et ce qu’on en fait.

Il alerte ainsi sur toutes les dérives de l’utilisation de la culture : la culture musée, la culture instrumentalisée, la culture marchandise, la culture vernis. Voici ce qu’il écrit du risque encouru par les personnes évoluant à l’étranger dans des milieux internationaux : « Pour eux, le fait de voyager ou d’avoir voyagé vaut connaissance, la culture n’est que dans les couleurs, les saveurs et les sons, mais pas dans les modes de faire. Proust dénonçait déjà il y a un siècle cette attitude de facilité en notant que « le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». Et Gide, dans les Nourritures terrestres, d’insister encore : « Tout est dans le regard, non dans la chose regardée » ».

A travers ce blog, c’est donc ce que je vais tenter de faire : changer de regard pour découvrir l’intelligence de l’autre.

Dès mon enfance, j’ai mûri progressivement le désir de voyager. Je rêvais d’un éternel été fait de terres brunes, d’air chaud et humide, de palmiers, de négresses, de paysages vertigineux, de dunes de sable à perte de vue. Ces fantasmes étaient nourris par les premiers voyages que j’avais pu effectuer. Je me rappelle par exemple de ces croisières en famille en Espagne, dans les Îles Baléares. C’est sans doute au cours de ces périples que j’ai développé cet esprit d’aventure, car tout y était déjà concentré : le nomadisme, la beauté des paysages, la fascinante et inquiétante attraction de la mer, la découverte d’un autre peuple, l’expérience d’être l’étranger, et puis le plaisir du temps qui s’écoule lentement, le temps qui n’importe pas, le charme des après-midi sans fin de l’été à son apogée.

Plus tard, en fin de collège, des voyages scolaires en Allemagne me firent de nouveau expérimenter l’angoisse excitante et douce de la rencontre interculturelle. J’ai aimé ces repas différents de ceux auxquels j’étais habitué, ces villes du Nord, mes efforts pour comprendre et parler l’allemand, ces échanges forcément compliqués mais tellement exaltants.

A vingt-trois ans, j’ai accompagné un groupe d’adolescents en Roumanie. Ce fut là ma première découverte d’un pays nettement plus pauvre que le mien. Ces deux semaines dans les Carpates ont été une vraie aventure : une langue totalement inconnue (quoi que latine, et finalement assez proche de l’italien), une culture et une histoire fascinantes, et des épisodes assez rocambolesques (un voyage en train dans la montagne, la traversée d’un lac artificiel sur des grosses barcasses, une piscine municipale dont l’eau de tous les bassins était épaisse et glauque, des filles de douze ans en string et seins nus, une diarrhée épique évacuée dans des gogues infâmes, des repas pris dans une cahute infestée de guêpes qu’un type tentait d’attraper pour leur accrocher des fils à la patte…)

Mais en définitive, ce n’est qu’en 2006, à vingt-cinq ans, que j’ai réellement commencé à combler le vide créé par le manque de voyages, par la frustration qui avait germé en moi d’avoir si peu quitté la France, l’Europe. Je suis parti en Haïti et ce pays en bazar m’a séduit au plus haut point. Je me rappelle encore très bien du 26 juillet 2006 : c’est mon anniversaire, je suis assis sur une chaise fragile, et devant moi une grosse centaine d’enfants noirs me regardent, ils chantent et dansent pour moi, puis les garçons s’avancent, ils se mettent en file indienne et viennent me serrer la main, ils sont un peu intimidés par le protocole, ils se rassoient, les filles elles aussi se lèvent et m’offrent des cartes de vœux en feuilles de bananier qu’elles ont confectionnées et sur lesquelles elles ont inscrit quelques mots gentils, à leur tour elles viennent me saluer et je les embrasse toutes. Je suis heureux en cet instant, mais je dois me faire violence : je suis à peine remis d’une harassante crise de paludisme qui m’a scotché dans un lit d’hôpital pendant quatre jours et demi, pendant tout ce temps je n’ai rien pu avaler, j’ai été en proie à des délires infernaux qui ont atrocement nui à mon sommeil, et j’ai même pensé que j’allais mourir tellement je me sentais faible, fiévreux, débile ; je suis maintenant là, vacillant, à serrer des paluches et embrasser des joues frêles, me forçant à sourire.

Angeline, Matina, Merani
Angeline, Matina, Merani

Mais je suis heureux, et toutes les fois que je me suis rendu en Haïti, j’ai senti que le bonheur était fait pour moi. Je continuerai d’y retourner parce que j’y ai découvert l’altérité. Je pense sans cesse à retrouver mes bambins, à jouer avec eux, à me baigner dans l’eau turquoise, à mourir de chaud et de fatigue, à aller me perdre dans les rues grouillantes de Port-au-Prince, à flâner devant les tableaux des peintres de rue…

C’est à partir de cette expérience forte que j’ai tenté de rattraper mon retard, et en quelques années j’ai eu l’occasion de pas mal caboter, sur presque tous les continents, pour des voyages courts d’exploration (Sibérie, Sénégal, Inde, Mauritanie, Algérie, Maroc, Cameroun, Etats-Unis, Angleterre, Belgique, Tunisie, Autriche, Bosnie, Croatie, et régions de France…), d’autres plus longs pour des missions « humanitaires » (Haïti) et une migration de travail (République Centrafricaine). En exagérant un peu, je pourrais dire que j’ai fait du tourisme mon deuxième métier, et si je suis content de retrouver à chaque fois l’accablante stabilité de la petite bourgade de la banlieue parisienne où je travaille et réside, j’exulte dès que je dois partir, dès que se dessinent les premiers préparatifs de voyage, l’achat d’un guide, d’une carte, d’un billet d’avion.

Aussi, ce blog n’est pas un guide touristique et ne sera pas seulement consacré au récit de mes voyages ; il sera aussi le récit des émotions qui me traversent, des réflexions qui m’assaillent dès que je suis confronté à l’autre : mes incompréhensions, mon désarroi, mon enthousiasme, ma fascination, mon dégoût. Je tenterai, du mieux possible, de comprendre ces peuples à qui j’imposerai ma présence, qui sauront (ou pas) m’accueillir, me parler, m’écouter.

« Je redoute l’hiver parce que c’est la saison du confort », écrivit Rimbaud dans Une saison en enfer. Cette phrase continue de m’intriguer, mais j’y trouve une explication dans mon attrait irrésistible pour les pays dits du Sud, des pays sans hiver et sans confort, où l’on transpire à huit heures du matin dans la poussière, le bruit et la fureur de vivre, où l’agitation brûlante du dehors nous pousse à le rejoindre, au lieu que l’hiver de nos civilisations nous contraint à nous enfermer, à nous couvrir, à privilégier les commodités. Dans quelques jours, je partirai sur les traces du poète en Ethiopie, où il passa certaines des dernières années de sa vie. Je partirai, une fois encore, à la recherche de cet éternel été que je chéris tant, cette crainte piquante de l’inconnu, ces errances propices à la réflexion sur le sens des choses et l’usage du monde.

Bibliographie :

Pour poursuivre votre réflexion sur l’interculturalité, je vous donne les références exactes du livre qui a donné son titre à cet article :
SAUQUET Michel, en collaboration avec VIELAJUS Martin, L’intelligence de l’autre, prendre en compte les différences culturelles dans un monde à gérer en commun, Éditions Charles Léopold Mayer, 2007

Les romans de RUFIN Jean-Christophe sont un trésor de réflexions sur les chocs culturels, et en particulier :
L’Abyssin, Gallimard, 1997
Les causes perdues, Gallimard, 1999
Rouge Brésil, Gallimard, 2001
Le Grand Cœur, Gallimard, 2012
Je vous conseille également le récit de son parcours professionnel :
Un léopard sur le garrot, Gallimard, 2008

Très beau roman aussi, sur la féministe Flora Tristan et son petit-fils Paul Gauguin (qui ne se sont jamais connus), tous les deux ayant été mus toute leur vie par la recherche d’un bonheur au contact d’autres cultures et d’un paradis loin de leur quotidien :
VARGAS LLOSA Mario, Le paradis – un peu plus loin, Gallimard, 2003

Sur l’esprit d’aventure, cette conversation entre trois bourlingueurs est une lecture très agréable :
CHALIAND Gérard, FRANCESCHI Patrice, GUILBERT Jean-Claude, De l’esprit d’aventure, Arthaud, 2003

La dernière expression de cet article, « l’usage du monde », est empruntée à Nicolas Bouvier, grande référence pour les écrivains voyageurs. Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas réussi à terminer ce livre, et je n’ai pas eu le courage d’en commencer d’autres. On m’a vivement conseillé de réessayer :
BOUVIER Nicolas, L’usage du monde, 1963, Petite Bibliothèque Payot, 2001