Initiation à la sorcellerie

Récemment, Sibut, petite ville de Centrafrique où j’ai vécu pendant deux ans, a été le théâtre d’affrontements graves entre groupes rebelles et forces internationales. En entendant que la mort avait de nouveau frappé sur cette modeste bourgade du cœur de l’Afrique, j’ai repensé aux enterrements de Sibut. Ces enterrements complètement dingues.

Pendant plusieurs jours, on veille le mort, à la maison. Tout le monde défile, bois le café, mange, profite de l’occasion pour se saouler et se nourrir aux frais des endeuillés. Des nuits blanches pour veiller celui qui est entré dans l’obscurité ; pour ne pas le froisser aussi, pour lui dire « t’as vu mon vieux, on était là pour te soutenir dans ton passage vers l’au-delà ». Les Centrafricains savent que les morts ne sont pas morts. Ils vivent avec cette idée, et cela les soulage. Après les « place ti kwa » (veillées mortuaires), on procède à l’inhumation. Le cercueil parcourt la ville, le village, le quartier, et on danse, on chante, on tape dans les mains. On continue de vivre. J’ai vu, une fois, des jeunes se battre autour d’une tombe. Ils étaient chargés de porter le cercueil, et en arrivant au cimetière, au moment de déposer le cercueil dans son trou, ils se sont disputés, se sont battus. J’étais outré : quel manque de dignité, me disais-je… Allez savoir ce qui se tramait, quel petit jeu avec le mort ils étaient en train de jouer, quels signaux ils lui envoyaient.

Les Centrafricains ont un rapport avec l’irrationnel beaucoup plus soutenu que nous. Soutenu et oppressant. S’il est bien une chose qui m’a marqué, c’est bien cela : la relation aux morts, à la nature, la sorcellerie…

– Mais de quoi est-il mort ?

La réponse qu’on me donne est évasive, presque gênée. Deux ans auparavant, des élèves du collège où j’enseigne sont venus voir le directeur car l’un d’entre eux était gravement malade, allongé dans son lit, inanimé. Il s’avère que l’enfant mal en point est le fils du cuisinier. Celui-ci monte donc aux dortoirs, prend dans ses bras son fils endormi et l’emmène à l’hôpital avec le directeur. Très vite, le diagnostic tombe : l’enfant est mort. Son père l’avait déjà compris depuis l’instant où il était allé le chercher sur son lit. Il reprend l’enfant, retourne au collège et le replace dans son lit. Ce n’est que plus tard dans la journée qu’il sera emporté pour être nettoyé puis inhumé.

Je l’apprendrai plus tard : ce n’est pas un petit garçon que l’on a emmené à l’hôpital puis raccompagné au collège avant de l’enterrer, mais c’est un petit animal.

Dans le nord et l’est de la Centrafrique vit une ethnie qui s’appelle les Bandas. Certains d’entre eux, et même, de plus en plus, certains d’autres ethnies, savent métamorphoser les hommes en animaux. En général, ils ne le font pas par méchanceté, mais pour le commerce : ils vendent ensuite la viande sur les marchés. Mon directeur me rassure : « Je sais très bien reconnaître la viande métamorphosée, et tu ne risques pas d’en trouver dans ton assiette. » Il me raconte alors l’histoire de cette femme qui, en cuisinant des pattes d’antilope, aperçoit sur l’une d’elle un tatouage où est inscrit « Antoinette ». Il s’agissait d’une antilope issue d’une métamorphose.

Bien entendu, la métamorphose est illégale. Les procès contre ceux qui la pratiquent aboutissent souvent à des peines très lourdes. Si le sorcier déjoue lui-même le sortilège, la sentence peut être moins sévère. Le boucher qui avait métamorphosé Antoinette a été durement condamné. Un procureur qui instruisait un de ces procès dans la région des Mbré a vu son propre frère se métamorphoser dans le palais de justice. Le procureur a sorti son revolver – en plein procès, donc – menaçant le fautif de le tuer sur place s’il ne rectifiait pas immédiatement son sort. Il a fallu appeler le curé pour le calmer. Mon directeur, auparavant, ne croyait pas trop à la métamorphose, mais aux Mbré, où il fut ce curé, cette question était au cœur de son action, et le sujet principal de ses prédications. Un jour, au séminaire de Sibut, un habitant du quartier lui a amené une gazelle – c’était sa femme, Henriette. Il lui demanda de la maintenir ici en sécurité, pour ne pas qu’elle meure, le temps que le coupable soit démasqué et qu’il retransforme Henriette.

La métamorphose est progressive et visible à l’œil nu. En quelques minutes, des poils poussent, les membres et le visage se modifient, on se met à râler. Comme il faut un contact physique entre le sorcier et sa victime, il est assez aisé de retrouver le coupable. Un évêque, il y a quelques années, avait d’ailleurs commencé à se transformer pendant son prêche à la messe. Et il avait fallu agir vite pour le sauver.

Pendant des années, une panthère rodait autour du collège. Elle était apparue après la découverte d’une tombe profanée dans le cimetière « animiste » situé près de la propriété. Au Cameroun, des quantités d’hommes et de femmes tombent en esclavage d’une bien étrange façon. Ils meurent, on les enterre. Et la nuit, des pilleurs de tombe viennent les déterrer, les ressuscitent et les emploient de force dans leurs exploitations. Ils sont des centaines, des milliers, ainsi enchaînés pour l’éternité.

On m’explique également qu’il existe deux types de foudre. Il y a celle que nous connaissons, la « naturelle », provoquée par des phénomènes physiques que les scientifiques sont capables de très bien expliquer. Et puis il y a la foudre « envoyée », celle que des gens provoquent volontairement et qu’ils lancent sur votre maison. C’est dans ces cas qu’apparaissent des boules de feu qui vous pourchassent avant de vous griller. Cette foudre est très facilement identifiable : en quelques minutes, le ciel s’assombrit, une petite pluie fine s’abat sur nos têtes, et puis d’un coup le tonnerre gronde, et pendant très peu de temps la foudre éclate, avant de disparaitre et de laisser de nouveau place au ciel bleu. On apprend plus tard qu’il y a eu un mort. Et tout le monde sait ce qu’il s’est passé. Maîtriser la foudre est une arme redoutable. Sous l’empereur Bokassa, deux quartiers de la ville de Berberati (dans l’ouest du pays) s’en envoyait mutuellement, ripostant l’un contre l’autre continuellement. Bokassa lui-même avait fait une annonce à la radio pour que ces hostilités cessent, et il s’était même rendu sur place, avec son petit avion, pour donner plus de force à ses ordres.

D’ailleurs, Bokassa, empereur de Centrafrique dans les années 70, avait failli être rendu invincible. Un sorcier lui avait proposé ses services pour qu’il puisse être intégralement résistant aux balles de toute sorte. Mais comme le processus pour obtenir ce blindage lui paraissait risqué, il avait exigé qu’on l’essayât d’abord sur un de ses ministres. Le ministre, Monsieur Patassé, accourut, et dut souffrir tout le rituel : on le découpa en morceaux, on le mit dans une marmite où bouillait une mixture spéciale, on touilla le tout pendant un moment : le ministre en ressortit entier, recomposé, indemne… et invincible. Alors que Bokassa, enthousiaste, donnait les ordres pour qu’on lui fît subir le même sort, le sorcier lui répondit : « mon empereur, un seul homme à la fois, sur terre, peut bénéficier de cette protection. Quand monsieur le ministre sera décédé, je vous l’accorderai. » Fou de rage, Bokassa battit ardemment son ministre, pour qu’il mourût dans l’instant : il ne mourut pas mais garda en séquelles une blessure au visage. Bokassa est mort en exil. Et depuis, monsieur Patassé a pris le pouvoir en RCA, est devenu président de la République et a été destitué par un coup d’Etat : il est resté longtemps en vie, il a porté une cicatrice au visage, et il a survécu à des bombes tombées sur sa maison, à des attaques de l’armée française, à des balles tirées à bout portant. Il est décédé à l’étranger lorsque j’étais en mission, en 2011.

Peut-être est-il toutefois rentré en Centrafrique pour y être enterré. Beaucoup de gens qui meurent en dehors de leur pays prennent l’avion, comme tout le monde, avec bagages et passeport, et rentrent dans leur village pour l’inhumation. S’il le faut, le type avec qui j’avais un peu parlé dans l’avion en arrivant dans le pays était un mort. Qui sait ? Il serait peut-être retourné dans sa forêt peuplée de nains.

Il y a quelques années, des militaires français incrédules ont voulu vérifier si les nains des forêts – les Yonms – existaient bien. Ils sont partis à plusieurs dans les bois qui avoisinent Sibut. Les Yonms sont de très petits êtres portant une longue barbiche qui traîne jusqu’au sol ; doués d’une puissance surhumaine, ils s’agrippent de leurs jambes à votre taille et vous détruisent les côtes avant de vous emporter dans la forêt. Cependant, ils deviennent l’esclave de celui qui parvient à les battre. On apprend aux petits Centrafricains que pour s’en défendre, il faut se ceinturer d’une paille qui craquera au moment où le Yonm vous agressera de ses petites pattes. Une fois que son crâne touche le sol, il se sent vaincu et se soumet. Les militaires, ce jour-là, n’ont pas su se défendre ; l’un d’eux fut emporté. On ne le rendit qu’après des sacrifices et des incantations diverses. Devenu dingue, le pauvre malheureux dut être rapatrié d’urgence.

Ceux qui m’ont raconté ces phénomènes ne sont pas des fous. Ce sont même des gens lettrés, intelligents, ouverts sur le monde, ayant voyagé, d’ailleurs vaguement conscients de mon incrédulité (bien que je m’efforçasse de la cacher). Qui plus est, ce sont des prêtres catholiques, peu enclins aux superstitions douteuses. Mais c’est avec sérieux et naturel qu’ils ont parlé de tout cela. Ils n’ont pas manqué cependant de m’avertir : « tu ne pourras pas comprendre ».

Le « likundu » est le mot sango qui désigne la sorcellerie. Plus le temps a passé, plus je suis parvenu à comprendre ce phénomène. « Comprendre » est un bien grand mot pour parler de quelque chose qui, précisément, ne s’explique pas, est de l’ordre de l’irrationnel. On peut toujours analyser sociologiquement la sorcellerie, l’intellectualiser, en faire des thèses d’anthropologie ou des films documentaires effrayants comme les « ciné-transes » de Jean Rouch. Mais au final, il nous manquera toujours, à nous Européens, un je ne sais quoi, ce qui nous mettra forcément en colère devant l’absurdité des raisonnements liés à la sorcellerie.

Prenons d’abord le problème d’un point de vue juridique : la pratique de la sorcellerie est absolument interdite par la loi, et elle est sévèrement punie. Les peines peuvent aller jusqu’à la prison ferme, et quand on sait à quoi ressemblent les prisons centrafricaines, on se dit qu’il ne faudrait pas trop qu’on soit accusé d’avoir métamorphosé l’amant de sa femme ou envoyé la foudre sur la case du voisin.

Bien sûr, ce n’est pas parce qu’on « est » sorcier qu’on risque la prison, mais c’est parce qu’on « pratique » la sorcellerie. Car la sorcellerie est, en quelque sorte, héréditaire. Initiés très jeunes, les sorciers à l’âge adulte portent donc en eux ce don empoisonné, et ils ne peuvent s’en détacher. Entre eux, ils se reconnaissent parfaitement. Pour les non-initiés, il y a des techniques pour les repérer, ou, au moins, pour les éloigner. Par exemple, le jour des Rameaux, certains prêtres s’amusent à asperger la foule des fidèles à l’aide d’une plante spéciale qui brûle la peau des sorciers. Quel divertissement que de sentir le vent de panique dans l’assemblée et de voir déguerpir tous les sorciers ! Les voilà débusqués !

Lorsqu’un crime est commis, ou un vol, ou lorsque quelqu’un est gravement malade, il faut parfois s’adonner à quelques rites au cours desquels le nom des coupables sortent. Ceux-là n’ont plus qu’à fuir la région. Ceux qui sont pris finissent souvent par avouer.

Pendant mon séjour, un jeune homme de Sibut a eu une crise d’appendicite qui a mal été soignée. Après l’opération, il avait encore mal, il vomissait, la blessure s’infectait. Finalement, ses parents l’ont envoyé à Bangui. Pas tellement pour se faire mieux soigner, mais plutôt pour fuir ses camarades du lycée, jaloux de ses succès à l’école et avec les filles. Ces derniers, en effet, l’avaient « fétiché », et la médecine ne pouvait donc pas grand-chose pour lui. La médecine moderne ne guérit pas le likundu.

Il y a quelques années, à Douala (Cameroun), quelques amis sont en train de prendre un verre dans un bistrot. L’un d’eux, voulant se venger d’un autre pour une raison qui m’est inconnue, se décide à lui mettre un poison dans son verre. Pour cela, il se métamorphose en mouche et vient au bord du verre pour y déposer le remède fatal.

Expliquons un peu le phénomène de la métamorphose. J’ai fini par comprendre que cela consiste, en quelque sorte, à placer son âme dans le corps d’un animal. Donc, physiquement, on reste en place (contrairement à ce qu’on m’avait laissé entendre au début), mais notre âme, elle, est métamorphosée. Quand on a été métamorphosé, on est donc comme hébété, dans un état de stupeur qui peut conduire à la mort (la mort survenant avec celle de la bête dans laquelle est nichée notre âme). En général, on métamorphose quelqu’un pour la viande. Pour le manger, donc. On peut parfois aussi se métamorphoser soi-même, quand on a une opération spéciale à accomplir, et c’est exactement ce qu’a fait notre homme-mouche. Seulement voilà : son ami, en apercevant la mouche qui s’approche de son verre, comprend de quoi il s’agit. Aussi, il parvient à enfermer la mouche dans le verre en bouchant celui-ci avec sa main. Aussitôt, l’ami métamorphosé se met à pâlir, à transpirer, il étouffe, tourne de l’œil… Tout le monde est étonné en le voyant, nul ne parvient à comprendre. Il finit par prononcer à sa victime transformée en bourreau : « pardonne-moi, libère-moi, je t’en prie… » Après s’être fait bien supplier et avoir amené son ami presque à la mort, le bourreau libère la mouche, et le sorcier reprend vie.

Sur le même sujet, je peux vous livrer la rédaction d’un élève : « Un jour à Bambari (préfecture de la Ouaka), le 1er avril 2002, ma mère m’a envoyé acheter du pétrole. Il était 21 heures. Tout à coup apparaît devant moi un homme habillé d’un grand boubou blanc tenant une épée à la main (c’est un fantôme). Il commence à me poursuivre sur la route pour me tuer, mais j’ai crié d’une manière folle en pleurant vers le marché où se trouvent les jeunes. A mon cri, les jeunes sortent et commencent à crier « au nom de Jésus ! ». Et le fantôme a disparu. Les jeunes me prennent et m’emmènent à la maison avec mon argent et la lampe cassée ; puis je prie. Je dis : « maintenant on ne m’enverra plus au marché à 21 heures. »

Les Centrafricains nous content assez librement ces récits. Et ils sont toujours surpris d’entendre qu’on n’y croit pas trop, que cela nous dépasse totalement, d’autant plus que la littérature et le cinéma occidentaux les abreuvent d’histoires fantastiques. Pour eux, les auteurs d’Harry Potter, du Seigneur des Anneaux, de Spiderman ou des Quatre Fantastiques n’ont fait que raconter leurs propres expériences… Il y a peut-être là, effectivement, un paradoxe qui indique que l’Occident ne s’est pas encore tout à fait libéré de ses fantasmes surnaturels. La différence, c’est que nous, nous avons tout rationalisé, y compris les rêves, les sentiments, la peur. Eux considèrent que tout cela est extérieur à eux.

Le somnambulisme, par exemple, les effraie. De même, beaucoup d’élèves m’ont dit que j’étais fou de garder un masque accroché sur les murs de mon bureau : si celui-ci venait à prendre vie, il pourrait me faire beaucoup de mal. Mais le masque est resté sur le mur. Et la nuit, j’ai été plus souvent dérangé par les souris que par lui.

Le likundu est très fortement associé en la croyance que les morts ne sont pas morts. C’est pourquoi, d’ailleurs, un malade qui n’aura bénéficié d’aucun soin par souci d’économie, se verra gratifié d’obsèques extraordinairement coûteuses : on se méfie des morts, et on préfère toujours les avoir de son côté. On ne voudrait pas qu’ils se vengent de ne pas avoir été honorés dignement.

Et, effectivement, les morts sont parfois bienveillants. A Bangassou, dans l’est de la Centrafrique, un jeune garçon se rendait à la veillée pascale. Sur le chemin, de nuit, il est seul. Il traverse un petit bois qui mène à l’église. Et, soudain, devant lui, une personne apparaît. C’est une jeune fille, de dos, qui le précède dans la même direction. Il l’interpelle : « attends-moi, allons ensemble ». Il court un peu pour la rattraper, et elle disparaît aussi subitement qu’elle était apparue. Comme on ne parle jamais des fantômes la nuit, le garçon attend le lendemain matin pour narrer l’histoire à sa mère. Celle-ci lui répond : « ça devait être ta grande sœur. Elle aura voulu te protéger pendant ton trajet. »

Sa grande sœur était décédée bien des années auparavant, avant sa naissance à lui. Elle était encore un bébé, mais elle n’en est pas moins sa grande sœur, et elle protège son petit frère, un solide collégien.

Je dois admettre aussi qu’avec ces histoires, on cherche à me provoquer, à m’effrayer. Il faut voir de l’humour, voire de la moquerie, dans les comportements et les paroles que j’entends. Et lorsque j’écris « les centrafricains », je sais que je généralise à tort: mon expérience est limitée à un village plutôt traditionnel, dans une région ayant sa culture propre. la Centrafrique reste une mosaïque de culture.

Le 2 novembre 2009, en Centrafrique depuis un mois et demi, voici ce que j’écrivais dans mon carnet de notes :

« Il a plu toute la matinée, dès la fin de la nuit. J’ai pensé que la messe pour la fête des morts serait annulée. On n’avait pas sonné les cloches pour appeler les fidèles. Finalement, peu avant 8h30, ça a sonné. J’ai pris ma cape de pluie, et je suis sorti. Il n’y avait encore personne dans l’église mais on apprêtait l’autel. Alors je suis rentré, et j’ai prié pendant une heure, le temps que l’église se remplisse un peu. A 9h30, l’office a démarré. Au bout de deux heures, l’assemblée sort et se rend en cortège au cimetière d’à côté. Pendant que le curé bénit le terrain mortuaire en jetant de l’eau sur la terre et les stèles, nous chantons. Devant moi, il y a une petite fille d’une dizaine d’années aux traits fins. Elle est belle. Elle porte une robe en coton, et un habit bleu à grosses cotes : les mailles sont resserrées au niveau de la poitrine, mais au niveau des épaules et du ventre, elles sont plus lâches, au point de laisser voir sa peau tendue derrière. Et je ne peux pas m’empêcher de trouver beau ce ventre arrondi et ballonné par la malnutrition. Je regarde son ventre, je regarde son visage, et j’ai envie d’y poser mes mains. Je ne peux plus me concentrer sur l’étrange cérémonie funeste qui se déroule tandis que je contemple ce corps bien vivant. La pluie a cessé depuis un moment déjà ; seules quelques gouttes tombent encore. »

(D’après La Captivante – méditations sur l’Afrique)