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Trois capitales sur le Danube

Vienne, Bratislava, Budapest : en moins d’une semaine, j’ai relié les capitales de trois pays – Autriche, Slovaquie, Hongrie.

Le tronçon Passau-Vienne est probablement le plus fréquenté du Danube. C’est du moins ce que me laisse penser la multitude de cyclises dans Passau – et surtout au camping ; mais aussi la profusion de guides, notamment en français. Et je comprends vite pourquoi. Parti à la fraîche, peu avant sept heures, je découvre un trajet magnifique, tantôt à flanc de falaises, tantôt dans des sous-bois, filant tout droit, sur une route parfaitement plate. C’est tellement facile que j’aurais pu emmener avec moi mes nièces de trois ans.

A Passau, le Danube marron a changé de couleur, prenant celle de l’Inn, son affluent : il est maintenant d’une beau vert trouble et clair, tirant vers le bleu. Je commence à comprendre où Strauss voulait en venir. Peu après midi, j’ai parcouru 92 kilomètres : me voici maintenant à Linz. L’immense place au bord du fleuve est plongée dans une canicule étouffante et étincelante, lui donnant des airs espagnols, mais cela ne me démotive pas pour continuer. Après le repas, je reprends ma bécane avec l’intention d’avaler encore une bonne vingtaine de kilomètres. Mais c’est la mécanique qui impose ses lois : après crevaison sur crevaison, je dois me résoudre à passer la nuit au camping de Linz, situé à 4 kilomètres du centre au bord d’un lac que je prends joie à traverser, aller et retour !

La suite jusqu’à Vienne est du même acabit : peu de reliefs, des paysages tantôt boisés, tantôt en plein soleil, une route suivant les méandres du Danube mais se permettant parfois quelques détours « dans les terres ». Peu après Linz, la route passe par Mauthausen. Un détour de quinze minutes et de quelques centaines de mètres de dénivelé me fait arriver à l’un des plus importants camp de concentration du système édifié par les nazis. Il n’est pas ouvert ce jour-là, et de toute façon il est trop tôt (8h30) et je n’avais pas l’intention de le visiter. Depuis le début de mon périple, j’ai fait le choix de ne rien visiter. Je prends seulement la peine, lorsqu’un site m’intéresse particulièrement, de m’y rendre et de m’y arrêter un moment. Je reste environ une demi-heure au camp de Mauthausen. J’y suis absolument seul, une brume légère de circonstance l’enveloppe, et je médite, en me promenant dans les espaces demeurés ouverts au public. J’ai beaucoup travaillé sur la Shoah ces douze derniers mois : j’étais à Auschwitz en novembre dernier, à Drancy en mai, et entre les deux j’ai lu beaucoup d’ouvrages sur le sujet. C’était donc important pour moi de faire ce crochet.

Autour de Krems, les paysages changent un peu : le Danube est encaissé entre des montagnes où sont plantés des vignes, des arbres fruitiers, et des cultures en terrasse. Enchanteur !

Autant l’Allemagne m’a enthousiasmé, autant je suis déçu par l’Autriche – ou plutôt par les Autrichiens : dans l’ensemble, je ne les trouve pas très accueillants, ils sont secs, ne font pas l’effort de comprendre ce que je leur dis, me répondent en anglais (quand par chance ils le connaissent) lorsque je leur parle en allemand (ce qui est tout de même un peu vexant). Plusieurs fois, des restaurateurs refusent de me servir à manger (véridique) ! A trois reprises aussi, des cyclistes se sont tranquillement calés derrière moi, se laissant tirer dans mon sillon. Pas gênés, les mecs ! Avec eux, j’ai oscillé entre les deux options suivantes : soit engager une belle échappée pour larguer l’importun ; soit, au contraire, le laisser me doubler, et le talonner à mon tour, histoire qu’il comprenne comme c’est pénible de bosser pour les autres ! A Vienne, je me fais littéralement renversé par un cycliste qui me double par la droite. Mon vélo et moi-même en sortons indemnes, mais c’est tout de même humiliant de se retrouver le cul à terre à mon âge. Bref, je ne juge pas un peuple à quelques mauvaises expériences, mais le moins qu’on puisse dire est que je n’ai pas été emballé.

Mon séjour en Autriche est de toute façon très court : je mets trois jours pour effectuer les 320 kilomètres qui séparent Passau de Vienne. Dans Vienne que j’ai déjà un peu visitée autrefois, je me contente d’une petite balade sans descendre de ma selle, avant de filer vers la Slovaquie dont la capitale – Bratislava – n’est qu’à 66 kilomètres de celle de l’Autriche. A la sortie de Vienne, la rive nord du Danube est monopolisée par des nudistes sur plusieurs kilomètres. Evidemment, que des vieux moches : des papis qui trimballent leur quéquette ridée et des mamies leur foufoune ménopausée. C’est curieux comme on ne voit jamais de ravissantes jeunes filles dans ces cas-là. Dommage… Je suis obligé de me taper le spectacle pendant une bonne demi-heure. Après cela, une ligne droite de trente kilomètres transperce un parc national. J’imagine que les aménageurs du territoire viennois ont dû prendre une règle, tirer un trait sur leur carte, et dire : « allez hop, piste cyclable. » L’œil ne peut s’arrêter nulle part : il n’y a rien à voir, seulement la route qui s’étire à l’infini. C’est d’autant plus lassant qu’il n’y a pas un arbre sur le caillou et qu’il fait une chaleur insupportable. La moindre parcelle d’ombre est squattée par des cyclistes pantois. Je repense alors à ma vie : une vie respectable et respectée où l’on m’envoie du monsieur, propriétaire, salaire convenable. Mais qu’est-ce que je suis allé me fourrer dans cette fournaise ? Que penseraient mes élèves s’ils me voyaient là, puant le clodo, tout rougeaud, trempé, transpirant de toutes mes pores, le cul démonté sur une selle trop raide ? Que penseraient-ils s’ils me voyaient chaque matin depuis quelques jours, sortant de ma tente en slip, l’œil torve, l’air hagard, le dos cassé, les cheveux hirsutes ? Ma respectabilité en prendrait un coup, tiens…

Je finis par me débarrasser de cette torture à Hainburg. Du sommet d’une petite colline, j’aperçois les vilaines tours de Bratislava. Je reste encore moins longtemps en Slovaquie qu’en Autriche : quelques heures seulement. Je déjeune tardivement à Bratislava, prends le temps d’errer dans son ravissant centre-ville avant de me perdre dans sa beaucoup moins ravissante banlieue sud. A Čunovo, on a la possibilité de rester en Slovaquie ou de passer la frontière hongroise en restant sur la rive sud du Danube. C’est l’option que je choisis, et je passe la nuit quelques kilomètres plus loin. En quelques heures, j’ai ainsi traversé trois pays.

Je rallie ensuite Budapest en trois jours. Je pensais pouvoir le faire en deux, mais les routes s’avèrent assez mauvaises, et la canicule me poursuit : je roule sous un soleil brûlant, 37°C à l’ombre (mais il n’y a jamais d’ombre), sur des routes souvent mal, voire pas du tout asphaltées, et donc assez cahoteuses. J’ai le sentiment de vraiment plonger dans l’Europe périphérique : des ouvriers magyares qui se saoulent à la bière à huit heures du matin, de pauvres paysans sur des tracteurs hors d’âge, des mecs tatoués qui roulent à toute berzingue sur des routes défoncées.

La route du Danube en Hongrie manque de charme. D’abord, je perds de vue le Danube pendant deux jours. Et puis les villages traversés n’ont rien de pittoresques, et lorsqu’on ne roule pas sur des chemins dégueulasses, c’est pour longer des genres de départementales hyper fréquentées, en se faisant doubler par des camions qui klaxonnent à fond les ballons. Mais il y a tout de même la magnifique Esztergom, ancienne capitale de la Hongrie, pour rehausser le niveau : l’espace d’un instant, on pourrait se croire à Rome avec sa basilique à rotonde, ses églises classiques, ses rues conservées dans leur jus. Et puis, à partir de Szob, après avoir pris un bac pour passer sur la rive Nord (abandonnée depuis l’Autriche, et brièvement touchée à Bratislava), nous voici enfin sur une vraie piste cyclable, propre, qui suit fidèlement un Danube qui oblique vers le Sud, avec de belles montagnes en arrière-fond. À Vác, je reprends le bac pour retrouver la rive Sud. Je passe la nuit à quelques kilomètres, dans un camping qui s’avère être à la fois le moins cher et le meilleur de mon voyage jusqu’à ce jour : camping familial, bien tenu, avec piscine et Wifi… Idéal pour le repos du guerrier !

Il ne me reste maintenant plus qu’une cinquantaine de kilomètres avant Budapest. Je les effectue au petit matin, sur un chemin cyclable qui tournicote agréablement, coincé entre le Danube et l’agglomération de Budapest qui se densifie peu à peu. A mi-parcours, Szentendre a des allures de station balnéaire. L’arrivée à la capitale est grandiose : le Parlement émerge d’un seul coup, au détour d’une courbe du fleuve : l’imposant bâtiment me fait entrer dans la splendeur de la Hongrie, et les rues alentour me rappellent le temps pas si lointain ou l’empire austro-hongrois dominait l’Europe.

A Budapest, je m’octroie enfin une pause : pas de vélo et pas de camping ! Je prévois de passer deux nuits dans un appartement loué sur airbnb. Et je profiterai de mon dimanche pour visiter la capitale de la Hongrie. Ensuite, départ pour les Balkans, avec la quatrième et dernière capitale de mon voyage – Belgrade, en Serbie ; ce sera l’objet du prochain article.

Le Danube allemand, paradis des cyclistes

Le sentier pédestre qui longe le Danube s’appelle en Allemagne le Donauradweg. J’aime la concision que permet l’allemand. C’est une langue qui autorise très facilement la création de néologismes. D’un simple Danube-vélo-chemin, on dit ce que le français m’a obligé à utiliser six mots. Pour contempler ce donauradweg, vous trouverez une galerie photo en bas de cet article.

Pendant les 40 premiers kilomètres, je jouis de sentir la route qui colle sous mes roues. Je suis parti vers huit heures, je prends mon temps sur ce parcours facile presque sans montée, aux paysages charmants. Alternant d’une rive à l’autre, je vois le Danube qui n’est encore qu’un petit pipi, mais qui peu à peu gagne en superbe. J’avance bien, quoique tranquillement, sans forcer les mécaniques de mon corps ni de mon vélo. Pourtant, vers onze heures, alors que je me vois déjà brusquer ma première étape en poussant jusqu’à Sigmaringen (à 85 kilomètres de Donaueschingen), je sens que mon pneu arrière a crevé. Pendant plus d’une heure, je tente de le réparer, mais c’est une vaine tâche : la crevaison est trop large. En fait, l’embout s’est à moitié déchiré, et comme je n’ai pas de chambre à air de rechange (ou plutôt, la chambre à air de rechange, c’est celle qui vient de céder), je me crois fichu. Il ne me reste qu’une solution : pousser la bécane pendant 7 kilomètres, pour atteindre un village où se trouve un vendeur de pièces pour vélo. Comme nous sommes dimanche, il faudra que je loge quelque part dans le dit village et attendre le lendemain. Après un kilomètre sous 30°C, un couple d’Allemands me demande si j’ai besoin d’aide. Comme je réponds par l’affirmative, les voilà qui mettent les mains dans le cambouis. Par chance, ils ont une chambre à air de rechange du même modèle que la mienne. En quelques minutes, me voici reparti ! Je peux de nouveau profiter de la Forêt Noire, de ses chemins qui ondulent, de ses pins ombrageux, de ses villages médiévaux dont les noms se terminent tous par -ingen. A voir ces vieilles bâtisses, on comprend à quel point l’Europe fut puissante au Moyen Âge. Je me demande bien ce qu’il restera dans mille ans de nos tours de la Défense, de nos musées de Beaubourg ou du Quai Branly, et même de la Tour Eiffel et du Sacré-Cœur.

Bien sûr, j’ai abandonné l’idée de voir Sigmaringen le soir même. Mais j’ai tout de même dépassé mon objectif initial. Je profite des lueurs de la fin d’après-midi en me baignant dans le Danube, encore très peu profond à ce stade de mon voyage. Le beau Danube bleu est ici plutôt marron et je risque peut-être la bilharziose, mais je ne peux m’empêcher de plonger dans ce fleuve mythique, d’autant plus que l’eau fraîche sur mon corps fatigué me fait un bien fou.

C’est vers dix heures le lendemain que je rejoins Sigmaringen. Ce nom m’évoque un épisode de l’histoire du nazisme, et un tour sur Internet me précise les choses : c’est dans cette cité que le régime de Vichy s’exila à la fin de la Seconde Guerre mondiale. J’évite de faire savoir que je suis français, car je crains de passer pour un nostalgique de Vichy. Je comprends que cette bande d’autocrates ait apprécié l’imposant Palais royal des Hohenzollern. Historiquement, Sigmaringen est avant tout la capitale de la principauté des Hohenzollern depuis le XVIème siècle. Cette famille de la noblesse allemande s’est plutôt fait connaître par sa branche brandebourgeoise : l’électeur Frédéric III de Brandebourg devenu le roi Frédéric Ier de Prusse en 1701 est un lointain cousin du prince de Sigmaringen, mais l’histoire les a réunis de nouveau lorsqu’en 1849 Frédéric-Guillaume IV, roi de la puissante Prusse, acquiert la principauté qui porte déjà son nom. Quand on voit où se trouve Königsberg, capitale de la Prusse-Orientale (du côté de la Lituanie), il y a de quoi s’étonner de ce rapprochement de l’histoire.

Le chemin longe le pied de falaises abruptes, ce qui donne au paysage un caractère grandiose. Depuis Donaueschingen, il est deux autres repères – en plus du Danube – que je suis. Il y a d’abord une voie de chemin de fer, assez peu fréquentée, que je ne perds presque jamais de vue. Par ailleurs, le Donauradweg est balisé de telle façon qu’il est impossible de se perdre. Lorsque le tracé du chemin s’éloigne un peu du fleuve, les panneaux sont là pour nous guider. Si je n’aimais pas tant les cartes, celles dont je dispose me seraient presque inutiles. Mais elles comportent de précieux renseignements : elles me permettent de me situer en permanence et de préparer mes étapes (ravitaillement, dénivelés, couchage…).

Je suis loin d’être seul sur la route. Nombreux sont les cyclises qui descendent ou remontent le fleuve. La région est d’ailleurs sillonnée de pistes cyclables, de bonne qualité dans l’ensemble, et ici ou là des panneaux indiquent les voies cyclables reliant une ville à une autre. Comme l’Angleterre, je devine que l’Allemagne est très en avance sur ce point. Pendant tout mon circuit du Bade-Wurtemberg et de Bavière, j’ai presque toujours roulé sur des pistes cyclables ou sans trafic important. Le long des axes très fréquentés, il y a souvent une piste parallèle. Quand j’arrive vers 14 heures dans les villes, je croise des grappes d’adolescents sur leurs bicyclettes, sortant de cours et s’enfuyant en riant comme des voletées de moineaux. On est loin de cela en France… Je constate aussi – ce que je savais déjà – tous les panneaux solaires aux toits des maisons, des centre-ville entièrement piétons, des dizaines de poubelles de tri (il doit en exister trois ou quatre différentes rien que pour le verre)…

De palais en palais et d’église en monastère, je finis presque par trouver que toutes ces villes aux charmes austères se ressemblent. Obermarchtal et sa magistrale abbaye ; Munderkingen, un peu triste ; Ehingen, que je contourne par le sud, verdoyant ; Höchstädt, qui souffrit d’une bataille décisive dans la guerre de succession d’Espagne (bataille perdue par la France de Louis XIV alliée à la Bavière) ; Donauwörth, dont la fortune lui vint de son pont, longtemps resté le seul du Danube à permettre de relier Nuremberg et Augsbourg.

Quelques-unes de ces villes se démarquent, bien sûr. Ulm, ville universitaire depuis des siècles, où naquit Albert Einstein, est dominée par sa majestueuse cathédrale de style gothique, la plus haute d’Europe paraît-il. Je me perds volontairement dans le dédale de ses rues, avant de poursuivre ma route en longeant de près le Danube. Neubourg est adorable. Ici encore, le château Renaissance est remarquable, le plus beau du Danube, d’après mon guide. Je profite d’une terrasse ombragée pour me délecter d’une salade de fruits frais, bref repos avant de repartir. Ingolstadt aussi a les atouts d’une ville touristique : des rues plus belles les unes que les autres, bien entretenues, des églises, une cathédrale, des palais encore, en veux-tu en voilà… Je retiens surtout que c’est à Ingolstadt que se situe le récit de Frankenstein, de la romancière Mary Sheller.

Peu après Neustadt, à partir de la splendide abbaye bénédictine de Weltenburg, le cycliste dispose de deux options pour rejoindre Kelheim : monter en pente sévère pour gravir les falaises qui surplombent le Danube pendant cinq kilomètres ; ou bien tricher un peu, et prendre un bateau qui nous fait admirer ces falaises depuis le fleuve. C’est l’option que je choisis, ne lui trouvant que des avantages : prendre une once de plaisir à glisser sur ces eaux que je contemple depuis quelques jours déjà, et bien sûr me reposer un peu (mais seulement un peu : la croisière ne dure que vingt minutes). A Kelheim, je fais une pause déjeuner dans un coin d’ombre d’une placette écrasée de soleil.

A Ratisbonne enfin (Regensburg en allemand), je rencontre un groupe de Français avec qui je sympathise. Leurs itinéraires (de vie et de vélo) sont divers : les uns viennent de Nice, d’autres de Bâle, une de Nantes… Certains envisagent comme moi d’atteindre la Mer Noire, les autres les accompagnent quelque temps, ou bien se laissent encore la possibilité de lâcher le Danube pour d’autres horizons. Nous allons dîner dans le centre de Ratisbonne, une ville aux airs méditerranéen. Deux fois millénaire, elle a la splendeur des vieillards sages et tenaces. Son nom m’évoque la fameuse trêve, qui mit temporairement fin aux conquêtes de Louis XIV; mais aussi au discours qu’y fit Benoît XVI en 2006 et qui provoqua malgré lui une polémique de journalistes. Le lendemain matin, la ville m’offre ses quais pour le petit-déjeuner. En sirotant mon café, je sens derrière moi le poids des dizaines d’églises, des ruelles antiques, le piaillement grondant d’une ville qui s’éveille.

En France où la géographie est marquée par une macrocéphalie, nous ne sommes pas habitués à parcourir tant de villes moyennes. L’Allemagne a une répartition des villes qui correspond bien au schéma défini par le géographe Christaller (qui travailla particulièrement sur l’Allemagne du Sud), dans lequel l’espace est homogène et hiérarchisé pour permettre des flux de production optimisés. Ainsi, les villes – même de taille modeste – se suffisent plus ou moins à elles-mêmes.

Souvent, je longe le chemin de halage qui accroche un peu les roues. Mais j’aime ces tracés monotones, car ils permettent de ne plus penser au chemin : il suffit de pédaler, de prendre le rythme, et l’esprit peut s’évader. Ce n’est qu’à partir de Ratisbonne que le fleuve devient guéable pour les porte-conteneurs, mais il est déjà intimidant depuis Ulm. Je vois peu à peu s’égrener des canaux, des barrages, des usines, des centrales hydro-électriques, des zones industrialo-commerciales ; car à défaut d’être déjà parfaitement navigable, le fleuve offre une vallée idéale pour les voies de communication.

Au détour d’un virage, je me laisse surprendre par un serpent qui traverse le chemin. Bien sûr, ce n’est pas un boa constrictor, mais ce n’est pas non plus un ver de terre riquiqui ! Il m’a fichu la frousse… Pendant cinq minutes, tous les poils de mon corps sont restés hérissés. Parfois, la route se perd dans les hauteurs de la vallée : l’effort que cela nécessite me provoque des sueurs intenses mais il a l’avantage de m’offrir des panoramas intéressants.

Jusqu’à la frontière avec l’Autriche, les palais et les églises grandioses continuent de ponctuer le trajet : à Donaustauf, le Walhalla tout de marbre, construit par Louis Ier de Bavière – pas besoin d’avoir suivi le premier semestre d’études psychiatriques pour comprendre que c’est là l’œuvre d’un mégalomane ; le château de Wörth, nettement plus modeste ; Straubing, avec ses airs de parc Disney ; Deggendorf qui, tout dorf qu’elle soit, bénéficie de deux belles églises. Quand ce sont pas des châteaux, ce sont les champs de maïs qui envahissent l’espace ; ils me rappellent mes vacances d’enfance, chez ma grand-mère au bord de l’Ariège.

Passau est la dernière ville importante d’Allemagne sur le Danube. Elle a la particularité d’avoir été construite au confluent de trois cours d’eau : le Danube et ses affluents, l’Inn et l’Il. C’est au bord de l’Ilz que je passe ma dernière nuit en Allemagne. Demain, je serai en Autriche, mais déjà, à Passau, on se sent en territoire habsbourgeois.

En définitive, cette portion du Danube m’a fait aimer l’Allemagne (que j’aimais déjà un peu, pour y avoir des souvenirs émouvants de mon adolescence). J’ai apprécié la simplicité et la spontanéité de beaucoup de personnes rencontrées, le dynamise de ces petites villes du Sud, la qualité des routes, ces paysages proprets et verdoyants. J’ai aimé aussi parler allemand, même si ce n’est pas allé très loin. J’ai d’ailleurs croisé sur la routes certaines personnes dont l’accent et le vocabulaire semblaient correspondre à un dialecte, et non pas à de l’allemand standard ; j’ai pensé que peut-être je le maîtrisais mieux qu’eux, l’allemand standard ! Nous verrons bien ce qu’il en sera en Autriche.

Descendre le Danube à vélo

Plus long fleuve d’Europe, le Danube charrie dans ses puissantes eaux toute l’histoire de l’homme blanc, depuis les épopées de Neandertal jusqu’aux soubresauts de l’Union Européenne. Fils de Téthys et d’Océan dans la mythologie grecque, ligne de front entre les Thraces et les Daces, limes de l’Empire romain que des hordes barbares venus d’Orient traversèrent sans scrupule, fierté des Habsbourg de leur apogée à leur chute, lieu d’histoires glorieuses et misérables à Sigmaringen, Ratisbonne, Vienne, Vukovar… le Danube arrose des paysages divers de plaines, de forêts, de montagnes aux noms légendaires : Forêt Noire, Bavière, Bohême, Plaine Pannonienne, Balkans, Carpates, rivière Prout…

Le 11 juillet, je suis arrivé à la gare de Donaueschingen avec la ferme intention de longer à vélo le long fleuve depuis sa source jusqu’à son embouchure. La Brigach et la Breg se rejoignent dans cette petite commune du Bade-Wurtemberg et en se trouvant font du Danube leur illustre refluent. Respectivement partis à 43 et 49 kilomètres de là, ils se rejoignent calmement à 1 kilomètre et demi à l’est de la ville. Dans la ville toutefois, la Donauquelle est symbolisée par une fontaine à laquelle j’ai eu un peu la flemme de me rendre. J’ai privilégié le détour par la confluence – la vraie – où je contemple les deux sœurs quelques minutes avant de partir à l’assaut des 2800 kilomètres qui m’attendent, dans un chemin qui parcoure dix pays, quatre capitales, quatre massifs montagneux, des dizaines d’affluents, et qui se termine en un large delta sur la Mer Noire.

J’étais parti vers 6h30 de Saint-Germain-en-Laye, d’où je m’étais rendu en RER jusqu’aux Halles à Paris. De là, j’avais remonté le boulevard Sébastopol jusqu’à la Gare de l’Est. Et à 8h25, mon train s’ébranlait jusqu’à Strasbourg. Petit tour de la ville en attendant ma correspondance pour Offenburg, quelques kilomètres de l’autre côté du Rhin – en Allemagne, donc. Dernier tronçon jusqu’à Donaueschingen en 1 heure 15 à peine.

La première journée de vélo est courte – c’est le moins qu’on puisse dire : avec le détour par la confluence, 6 kilomètres de la gare au camping où je dois passer la première nuit, au bord d’un joli plan d’eau nommé Riedsee. C’est donc le lendemain que le périple débute vraiment. Je prévois de commencer doucement, à 60 kilomètres par jour environ, avant de monter progressivement jusqu’à 100 (peut-être plus ?). Pour m’accompagner, je dispose de quatre guides en anglais et d’un en français (tronçon Passau-Vienne), plutôt bien faits, avec des explications précises et des cartes claires. J’ai placé dans mon smartphone un dictionnaire français-allemand pour m’aider à communiquer en Allemagne, en Autriche, puis dans ces pays d’Europe centrale et orientale où la culture germanique fut prédominante autrefois et dont il subsiste quelques fragments.

Mon vélo pèse une quarantaine de kilos si on ajoute à son propre poids celui de mes bagages : tente, matériel de réparation, ordinateur, livres, équipements divers, pharmacie, nourriture, vêtements… En attendant, je me prélasse dans le Riedsee et je découvre les joies du camping allemand, où l’on peut sans vergogne se promener en sandales et en slip. Petite surprise : quelques bribes d’allemand me reviennent intuitivement, et je parviens à peu près sans encombre à gérer des conversations courtes et simples : demander mon chemin, régler la note au camping, etc. Les allemands que je croise sont courtois et m’offrent spontanément leur aide.

Vivement demain !

La suite de mon périple danubien:
Etape 1: Donaueschingen > Passau (600 kilomètres)
Etape 2: Passau > Budapest, via Vienne et Bratislava (650 kilomètres)
Etape 3: Budapest > Belgrade (600 kilomètres)
Etape 4: Retour en train (3000 km)

Paris-Londres à vélo (2)

La magie de cette deuxième partie de mon périple commence sur le ferry m’emmenant en Angleterre. C’est que nous n’avons plus guère l’occasion de prendre le bateau de nos jours.

Ferry transmanche Dieppe-Newhaven
Ferry transmanche Dieppe-Newhaven

Il m’a fallu trois jours pour rejoindre Dieppe depuis Saint-Germain-en-Laye. Réveil matinal au quatrième jour. Je traverse Dieppe dans le silence de la nuit. A proximité du quai, l’activité s’intensifie avec l’arrivée de véhicules légers et poids-lourds qui entrent dans le ventre de l’imposant paquebot nommé Seven Sisters, référence aux sept falaises de la côte sud d’Angleterre. Le ferry quitte le quai à 5h30. Inquiet de rater le bateau, j’ai très mal dormi, et une fois dedans je n’y arrive pas non plus, à cause du chahut d’enfants que je rabroue en vain à plusieurs reprises (merci les parents !) mais que je parviens tout de même à effrayer (« attention, il arrive »).

Jour 4 : de Newhaven à East Grinstead / 82 kilomètres

En posant le pied à Newhaven, je songe soudain que c’est la première fois que je me rends en Angleterre (je ne compte pas les quelques courts séjours que j’ai effectués à Londres car une capitale n’est jamais représentative du pays qu’elle administre). Je sens l’excitation me gagner à l’idée de découvrir ce pays que je perçois comme à la fois hautement civilisé et totalement déjanté. J’ai hâte de m’enfiler des fish & chips, des english breakfasts, des beans ou de la jelly.

Au sortir de Seven Sisters, nous sommes une dizaine de cyclistes à nous rendre à Londres : trois gars qui ont fait Paris-Dieppe en deux jours et comptent être le soir même à Londres (les bourrins !) et une bande de quinquagénaires qui commencent ici leur voyage dans un état d’esprit plutôt balade (étapes courtes, détours, visites de quelques sites, crochets en train…). Je pars le premier et je ne verrai aucun me rattraper, pas même les trois brutes (ont-ils opté pour un autre chemin ?).

Très vite bien sûr, je suis confronté à la conduite à gauche, qui exige une gymnastique cérébrale de tous les instants. J’ai tout le temps l’impression que l’on me dit « tourne à gauche » tout en me montrant la droite. Je repense à la fameuse réplique de Didier Bourdon dans Les Trois frères : « il est ou le cucul, elle est où la tétête ? » Je ne sais pas moi non plus. Quand j’ai le temps de réfléchir à mes mouvements, je parviens à les effectuer sans heurt, mais dès que je suis en situation de « danger immédiat », mes réflexes de continental prennent le dessus.

Cette première journée, je la passe dans le South Country, entre la Manche et la Tamise. En dehors de quelques rares tronçons, elle s’avère épuisante car les montées et descentes dans ce paysage vallonné sont incessantes. Par ailleurs, je constate que : 1) le chemin n’est pas toujours très bien balisé, et à plusieurs reprises je me perds un peu ; et 2) les routes sont globalement d’assez mauvaise qualité – pistes cyclables ou pas. Cela change de la France ! (Au moins, je reprends un peu d’espoir sur l’utilisation de nos impôts…) Pourtant, l’Angleterre est pionnière dans la constitution d’un réseau cyclable à travers tout le pays : elle bénéficie d’un ensemble de pistes numérotées comme nos autoroutes ou nos nationales. C’est le National Cycle Network (NCN). Ainsi, j’ai aujourd’hui emprunté la NCN2 puis la NCN21.

Cette campagne anglaise ressemble fort à celle que j’ai quitté ce matin. A moins que ce ne soit l’inverse. La « symétrie », en géologie, est toujours un peu troublante, surtout lorsqu’elle passe d’un pays à l’autre. Ainsi de ces deux campagnes – normande et sud-anglaise ; mais on retrouve aussi un autre exemple avec les Vosges en France et la Forêt Noire en Allemagne, de part et d’autre du Rhin. Dans un cas comme dans l’autre, « l’axe de symétrie » fait une frontière que l’on qualifie bêtement de naturelle. Une frontière n’est jamais naturelle. D’ailleurs, la Manche n’en était pas une à l’époque où le duc de Normandie était aussi le roi d’Angleterre ; celui-ci se retrouvait ainsi dans la position originale d’être à la fois le vassal du roi de France et son plus puissant concurrent.

De Newhaven à Polegate, les 27 kilomètres à sillonner sont agréables, malgré quelques côtes bien senties. A partir de Polegate commence le fameux Cuckoo Trail, voie verte perçant les bocages sur près de 16 kilomètres, traversant ici et là quelques villages pittoresques. Je trouve quand même le moyen de me paumer dans Hailsham, ce qui me fait enrager contre les bénévoles du NCN. Il est à noter que les anciennes voies de chemin de fer font toujours d’excellentes pistes cyclables.

C’est à Heathfield que commence mon calvaire : 23 kilomètres de dénivelés permanents dont je n’arrive pas à apprécier le charme. Et comme je me suis imposé d’effectuer au moins les deux tiers de mon parcours avant de déjeuner, j’ai la faim au ventre. Ce n’est qu’à Rotherfield que je trouve une supérette ouverte. Je m’avance encore de quelques kilomètres afin de me dégoter un joli trou de verdure. A 14 heures (heure locale), je repars, rassasié et d’attaque pour les dernières ascensions. A Groombridge, je sors de l’enfer. Il ne me reste plus que 16 kilomètres d’un long ruban vert qui file doucement jusqu’à East Grinstead, ville où j’ai réservé une chambre. Cette dernière portion s’appelle la Forest Way. La route est facile, mais ce relâchement qu’elle m’accorde me permet de mesurer mon état d’intense fatigue. J’additionne une mauvaise nuit, la raideur de l’étape du jour et le léger décalage horaire : à East Grinstead, je m’endors presque en me prélassant dans mon bain chaud. A 20 heures, je tombe dans un sommeil profond et réparateur.

Jour 5 : d’East Grinstead à London / 77 kilomètres

En avalant mon petit-déjeuner, je repense à la « parabole » des œufs au bacon que l’on m’a raconté récemment : pour la préparation de ce plat, la poule a participé, le cochon s’est engagé. Mon corps endolori de courbatures me fait sentir que je suis bien le cochon de ce voyage ! Pourtant, j’ai dormi onze heures d’affilée… Peu après 9 heures, je remonte malgré tout sur ma bécane.

Gatwick Airport
Gatwick Airport

Quel contraste soudain avec les jours précédents ! Jusqu’à Crawley, la Worth Way coule à travers les bois mais nous laisse au bout de 12 kilomètres dans le Grand Londres qui s’ouvre à nous : entrelacements d’autoroutes, traversée de l’aéroport de Gatwick, urbanisme moderne et tapageur…

J’avoue que j’ai un peu de mal à me repérer dans cet environnement. La conduite à gauche n’aidant pas, je ne m’habitue pas bien à ces codes couleurs différents de la signalisation. Celle-ci est d’ailleurs souvent réduite à son minimum (un simple sticker), ce qui m’oblige à une vigilance soutenue. Cette vigilance est au moins aussi fatigante que les coups de pédale. Elle m’oblige à rouler lentement pour ne pas rater une flèche discrète.

Stickers London-Paris, discret mais précieux
Stickers London-Paris, discret mais précieux

Entre cet amoncellement d’asphalte, de verre et d’acier percent tout de mêmes quelques bouts de campagne, des parcs, des sous-bois… Ainsi, la banlieue de Londres m’apparaît comme un archipel, où chaque partie de l’agglomération est un îlot d’urbanisme au milieu de la verdure. Finalement, ce parcours à travers le sud du Grand Londres n’est pas désagréable.

Je finis par me faire rattraper par les trois brutes de la veille ! Elles ont couché à Crawley – où elles sont arrivées tard – et n’ont donc pas pu tracer jusqu’à Londres en une seule fois ! C’était d’autant plus prévisible que leurs vélos de courses effilés ont dû leur donner du mal sur les routes dégueulasses d’Angleterre. Cela me rappelle les routes d’Afrique que j’empruntais avec la Mercédès de mon directeur : la machine était rutilante, mais pas du tout adaptée au terrain. Le jeu consistait à éviter les nids de poule tout en maintenant une allure rapide…

Crawley, Gatwick, Redhill, Coulsdon, Wimbledon, Wandsworth… au fur et à mesure que je m’approche du cœur de la capitale, le paysage se densifie et se dresse, le maillage des routes se resserre. A l’approche de Battersea Park (suis-déjà dans Londres ?), mon pneu arrière crève. C’est idiot, mais c’est la première fois que cela m’arrive, et je me trouve un peu nigaud devant ma roue dégonflée. Je change ma chambre à air, mais une manipulation maladroite me la fait crever plus gravement encore… Je remets donc l’ancienne… Et là, si près du but, je me mets en colère contre moi-même. L’espace d’un instant, je pense que le plaisir d’arriver enfin va être gâché par cet incident. Je regarde ma montre et calcule le temps qu’il me reste avant le départ de mon train. Je pensais être large, je pressens que je devrais peut-être finalement passer la nuit ici. Le vélo à mes côtés, je marche à une cadence toute militaire. Mais en atteignant enfin la Tamise, je reprends espoir, et une fois que je l’ai traversée, je retrouve toute ma motivation. Je regonfle mon pneu endommagé et je pars à l’assaut de la capitale anglaise – Westminster Abbey, Trafalgar Square, etc.

Il me reste une dizaine de kilomètres à effectuer pour rejoindre la gare de Saint-Pancras. Mon pneu se dégonfle en un kilomètre environ : je m’arrête donc une dizaine de fois. Après une journée sous la pluie, c’est le soleil qui m’accueille à Londres. En m’asseyant dans l’Eurostar, je me sens fourbu mais heureux.

Pour lire (voire relire), la première partie de ce voyage, cliquez ici.

Paris-Londres à vélo (1)

Rejoindre deux des plus importantes capitales européennes à vélo : tel est l’amusant défi que je m’étais lancé quelques mois plus tôt. Déjà à la Toussaint, j’étais parti de chez moi – à pied – jusqu’au Havre, en longeant de plus ou moins loin les méandres de la Seine. Cette fois-ci, c’est le vélo qui a été mon moyen de transport. En voyageant à vélo, on a l’impression de remonter le temps et de revenir à l’époque où les déplacements se faisaient à cheval (dans le meilleur des cas) : l’espace temps est à peu près le même, quoique le vélo soit probablement un peu plus rapide. Chevauchant l’engin, les bagages réduits à l’essentiel bien harnachés à la croupe de ma mule à roues, cramponné au guidon comme à une bride, les fesses frottant la selle dure, le corps entier subissant les soubresauts d’une route bardée d’histoires, je me prends pour un cavalier des temps anciens.

Paris-Londre à vélo
Paris-Londre à vélo

Si je veux revivre le rythme des voyages du siècle dernier, pourquoi ne pas carrément me dégoter un cheval, me direz-vous ? Excellente question, à laquelle réponds :
1) Je n’ai pas les moyens de m’offrir les services d’un cheval ;
2) Je ne sais pas monter ;
3) Parcourir de si longues distances en Europe de l’ouest est sans doute aujourd’hui impossible pour un cheval : je doute fort que l’on puisse trouver des voies adaptées en continu de Paris à Londres.

Donc, ce fut le vélo. En 5 jours.

Je ne suis pas parti exactement de Paris, mais de sa banlieue ouest, où j’habite. Le parcours que j’ai effectué a l’avantage évident d’être très bien balisé depuis plusieurs années déjà, et même de comprendre plusieurs longues portions exclusivement cyclables. « L’avenue verte Paris-Londres » : tel est son nom. (Diaporama en fin d’article)

Jour 1 : de Saint-Germain-en-Laye à Bray-et-Lu / 66 kilomètres

Je commence mon périple par la portion que j’avais déjà effectué à pied en octobre dernier. Longeant la Seine sur plusieurs kilomètres, je subis d’abord une bruine qui n’est pas des plus agréables mais qui a l’avantage de me faire tester mon matériel. Celui-ci s’avère plutôt efficace : je n’ai pas froid et la pluie ne s’immisce pas sous les vêtements. D’ailleurs, le temps s’éclaircit assez vite et laisse percer le soleil.

Je quitte vite le fleuve après l’avoir traversé entre Sartrouville et Maisons-Laffitte, puis le traverse de nouveau à Conflans-Sainte-Honorine, coupant ainsi la large boucle qui relie les trois villes. Maisons-Laffitte, où je ne m’étais pas rendu depuis presque vingt ans, m’apparaît dans toute la splendeur de son charme tranquille : ville calme, maculée de parcs et de merveilleuses masures, elle doit être ennuyeuse à tous ceux qui n’aiment pas le cheval (on raconte qu’il y a plus de chevaux que d’habitants).

J’accomplis ces vingt premiers kilomètres en une heure (là où le guide que j’utilise en annonçait deux) : je me sens très confiant ! Il faut dire que le terrain est parfaitement plat, presque sans aspérité.

A partir de Conflans, je remonte l’Oise pendant quelques minutes jusqu’à Neuville, charmante bourgade. Je me perds dans l’affreuse Vauréal à la recherche d’un supermarché pour me sustenter les jours à venir et m’acheter un antivol que j’ai oublié de prendre en partant ! Très vite heureusement, je plonge dans la campagne du Vexin français. Je suis rarement ému par des paysages, mais en contemplant ceux-là, je comprends pourquoi ils plurent tant aux impressionnistes : couleurs aux reflets changeants ; brillants prés d’herbes vertes que broutent de grasses vaches véliocasses; bonnes odeurs de fumier ; innombrables petits villages, tous plus adorables les uns que les autres ; vals et cours d’eau scintillants ; propriétés superbes ; moulins désaffectés ; flore abondante ; faune chantante… un délice !

En revanche, il est un détail qui peu à peu m’inquiète : je fatigue très vite dans les montées. Le moindre faux-plat m’apparaît comme une ascension du Tourmalet ; je grimpe dans la souffrance, et plus d’une fois je me vois obligé de descendre de mon vélo pour le pousser à mes côtés. Sans compter que j’ai souvent le vent dans le nez. Et oui, j’aurais pu y penser ! Je me dirige vers l’ouest, contre les vents dominants. Heureusement, l’étape prévue le lendemain est plus courte, mais les suivantes seront plus longues, beaucoup plus longues… Il va falloir que je me rôde…

Cependant, ma vitesse est très nettement supérieure à celle annoncée par le guide : celui-ci manque de nuances et part sur le principe d’une moyenne à 10 km/h, sans tenir compte de la diversité des terrains : sens de la pente, nature du revêtement… Aussi, je pense avancer entre 15 et 20 km/h, avec des pointes aux alentours de 80 (quand la descente est bonne) et des creux à 2 ou 3 (quand la montée est raide).

Pour ma première étape à Bray-et-Lu, je me paye le luxe d’un magnifique hôtel, avec piscine, hammam et sauna. Et comme je suis arrivé assez tôt, j’en profite une bonne partie de l’après-midi !

Jour 2 : de Bray-et-Lu à Gournay-en-Bray / 60 kilomètres

Avant de me coucher, j’ai procédé à quelques ajustements : j’ai regonflé mes pneus afin qu’ils collent moins à la route ; j’ai rehaussé la selle pour donner plus de puissance à mon coup de pédales. Ces mesures s’avèrent payantes : je fatigue beaucoup moins vite.

Après dix mètres de route, je traverse l’Epte, un modeste affluent de la Seine qui ne marque pourtant pas moins que la frontière entre la France et la Normandie depuis 911, date à laquelle le roi Charles III a concédé à Rollon, chef des Vikings, la région comprise « entre l’Epte et la mer ».

Je remonte la vallée de cet illustre cours d’eau jusqu’à Gisors que domine un château fort bâti au XIème siècle qui abriterait le trésor des Templiers. Face à lui s’érige depuis le XIIème siècle la superbe collégiale Saint-Gervais-Saint-Protais. Cette première étape est facile, plate et ensoleillée. Nous sommes dimanche et la météo est favorable : je rencontre de nombreux cyclistes et randonneurs. Mais pas un seul ne semble aller jusqu’à Londres, ni en venir (à en croire les paquetages des uns et des autres, à moins qu’ils ne soient tous des mulistes extrémistes).

Après Gisors, je poursuis mon ascension de l’Epte, avec des passages plus difficiles accentués par la pluie qui se met à tomber, d’abord doucement, puis franchement drue. Cette arrivée de l’eau concorde plus ou moins avec ma pause déjeuner à Neuf-Marché. Cette ville se trouve à l’intersection de trois départements : l’Eure, l’Oise et la Seine-Maritime. Je m’enfile une pizza quatre-fromages dans le gosier dans le restaurant d’une famille sympathique : père, mère, grands-parents, quatre enfants… En sortant, je croise une autre famille composée d’un couple et de deux très jeunes enfants : ceux-là sont comme moi, ils empruntent l’avenue verte – jusqu’à Dieppe.

Je poursuis ma route. Le trajet contourne une butte – la Côte Sainte-Hélène – avant de bifurquer vers l’ouest vers Gournay-en-Bray en empruntant une ancienne voie de chemin de fer. A Gournay, je trouve rapidement mon hôtel – nettement plus simple que le précédent, mais aussi nettement moins cher.

Toute la journée dans le Pays de Bray, je n’ai fait que suivre l’Epte, oscillant entre la rive droite (côté normand) et la rive gauche (côté français). Je repense à mes cours de géographie de l’université. Nous étudiions en détail la géologie et les paysages du bassin parisien. Le Pays de Bray est connu pour sa boutonnière, particularité que l’on peut définir comme une anti-colline. En effet, la boutonnière est une dépression légère mais relativement étendue qui s’explique, dans le cas présent, par l’érosion des plissements de la surface terrestre apparus lors de l’insurrection alpine. Je m’explique (du mieux que je peux, et en essayant de ne pas me tromper… la géologie m’a toujours un peu gonflé…) : il y a 12 millions d’années, un phénomène sur lequel je ne m’étends pas a provoqué le surgissement des Alpes, entraînant un important bombement des couches sédimentaires du plateau du bassin parisien (bassin qui, soit dit en passant, traverse la manche et se prolonge avec le bassin londonien). Avec l’érosion, ce bombement a laissé la place à une succession de collines et de cuesta (côtes ou coteau en espagnol, que l’on désigne ainsi pour les distinguer des côtes littorales). Parfois, des buttes témoins ou au contraire des boutonnières apparaissent comme des anomalies dans cette géo-logique.

C’était clair ? Non ? Peut-être ce schéma rendra-t-il plus limpide mon propos (mais j’en doute) (vous pouvez cliquer pour agrandir) :

Jour 3 : de Gournay-en-Bray à Dieppe / 82 kilomètres

Je poursuis mon voyage en Pays de Bray, et avec lui ma leçon de géographie. Je retranscris un panneau lu à Gournay (si ça vous saoule, passez les italiques) :

« Le pays de Bray présente un relief varié, offrant un fort contraste avec les plateaux du Pays de Caux [au sud, que je traversais à pied en octobre dernier, NDLR] et de la Picardie [au nord, NDLR] qui l’environnent. La diversité des sols se traduit par une utilisation agricole évidente au regard : si les plateaux argilo-calcaires se prêtent à la culture des céréales ou des oléagineux, les fonds de vallée sont propices aux pâturages, tandis que les sommets infertiles sont recouverts par la forêt. […] L’omniprésence de l’eau a permis aux agriculteurs de s’installer pour élever leur bétail, ou pour cultiver leur champ, à travers l’ensemble du pays : il suffit de creuser un trou pour trouver de l’eau ! […] Les maisons sont en brique, puisque l’argile et le bois abondent, ou bien en torchis, ce mélange de paille et d’argile que l’on pose à la main sur une ossature en bois. En quelques villages, la pierre est utilisée, ce qui ajoute à la variété. [Les productions du terroir sont nombreuses : le lait bien sûr, et le fromage de Neufchâtel, l’eau de vie de cidre, le petit-suisse que Charles Gervais apprécia et exporta…] »

La première partie de ma journée jusqu’à Forges-les-Eaux comporte 27 kilomètres de vallons. Mais je commence à être rôdé, et je parviens sans trop de difficulté à gravir ces très modestes sommets. Seulement, il me faut bien avouer cette humiliante vérité : j’ai atrocement mal au cul. Il faudra que je m’achète une autre selle (ou un revêtement pour celle-ci) si je veux arriver au bout de ma randonnée le long du Danube prévue cet été.

Forges-les-Eaux m’intéresse à plus d’un titre. C’est d’abord l’une des « capitales » du pays ; elle partage son autorité avec d’autres : Gournay, Neufchâtel, Saint-Saëns… C’est par ailleurs une station thermale réputée depuis le XVIème siècle. Louis XIII et Anne d’Autriche aimaient s’y reposer, et l’on raconte que c’est là que fut conçu Louis XIV, pour qui j’ai une tendresse particulière. Enfin, c’est à Forges que l’Epte prend sa source, ce qui fait de la ville le point culminant de mon périple français.

A partir de là, c’est une autre rivière que je vais suivre : la Béthune. Le chemin suit le tracé d’une ancienne voie de chemin de fer transformée en « avenue verte ». Je roule ainsi paisiblement, pendant 50 kilomètres, sur une sorte de long faux-plat inversé, prenant le temps de contempler les paysages d’habitat dispersé baignés de lumière, les multiples églises et châteaux qui ponctuent le parcours.

J’arrive à Arques-la-Bataille en milieu d’après-midi. Nous voilà maintenant en pays dieppois. La ville est surplombée par une haute motte où subsistent les ruines d’un château fort construit par le neveu de Guillaume le Conquérant, en rébellion contre tonton. La Béthune y rejoint la Varenne pour ensemble former l’Arques, un complexe plan d’eau que les acteurs du tourisme ont bien su exploiter en proposant des activités sportives diverses. On y croise aussi de nombreux pêcheurs.

Il ne me reste maintenant plus qu’une dizaine de kilomètres avant de parvenir à Dieppe. Ce magnifique port de plaisance, de pêche et de commerce, coincé entre les falaises de la côte d’Albâtre, a vu se développer une belle ville dont les bâtiments les plus anciens remontent au Moyen Âge. Je prends ainsi le temps de déambuler dans la vieille ville, de ruelles en fronts de mer, de casinos en hôtels chers à Napoléon III et Eugénie, de décors impressionnistes en bâtisses de la Renaissance, de l’impressionnante Notre-Dame de Bon secours qui surplombe le port aux somptueuses églises Saint-Jacques et Saint-Rémy.

Demain matin, je me lève vers 4h30 pour prendre le ferry transmanche. La deuxième (et anglaise) partie de mon périple est ici.

Bibliographie :

Même si tout le parcours est extrêmement bien balisé, presque sans aucune ambiguïté ni risque de se perdre, le guide des éditions Chamina m’a été précieux, pour préparer mon voyage en amont, mais aussi tout au long du périple pour anticiper le trajet grâce aux cartes et aux indications diverses :

Paris Londres à vélo. Avenue verte London-Paris®, Chamina Edition, 2012.

Pour vous le procurer :
– Si vous êtes plutôt Fnac ;
– Si vous êtes plutôt Amazon.

Autres rivages

En ces temps où nous nous esbaudissons dans le feu des fêtes de fin d’année, je me prends à fomenter, moi aussi, mes petits rêves, à dresser des listes de voyages enchantés comme autant de jouets à exiger d’un vieux barbu habillé de rouge. Voici la liste des dix voyages que je voudrais effectuer dans les dix prochaines années. Ils sont presque tous réalisables ; certains nécessiteraient une sérieuse préparation, d’autres peuvent être improvisés au gré des circonstances. Je vous les livre dans le désordre, sans hiérarchie ni logique particulières, dans l’espoir de susciter des vocations ou de recruter des compagnons de route.

1- Le Japon au printemps

Tous ceux qui sont partis au Japon m’en ont conté des louanges. Et le peu que j’ai de connaissances sur la culture japonaise me donne envie de m’y frotter : Mishima, Basho, Murakami, Kurosawa, Taniguchi… ces artistes à l’univers si particulier, si loin du mien, me charment tant ! Depuis le temps que j’ai des amis qui habitent au Japon ou y ont habité, je devrais déjà m’y être rendu dix fois. Mais non, honte à moi, je n’ai jamais saisi les occasions qui se présentaient. Une multitude de clichés et d’idées reçues m’envahissent à propos du Japon, et parmi ceux-là les cerisiers en fleurs qui jaillissent au printemps. Mon printemps 2014 est déjà rempli, l’année 2015 est bien chargée… Printemps 2016 ?

2- Descendre l’Oubangui et le Congo de Bangui à Brazzaville/Kinshasa en canoë

C’est en 2010, en contemplant depuis Bangui les pirogues allant et venant sur l’Oubangui, que j’ai songé à ce projet. Je suis un être hydrophile, et les sports d’eau m’ont toujours mis en joie. Je me rappelle encore avec enthousiasme de ces descentes de rivières que j’ai effectuées autrefois, quand j’étais chef scout. L’avantage d’un cours d’eau, c’est qu’il vous porte, et qu’il est parfois possible de se laisser doucement entraîner dans son flot. L’idée de joindre trois capitales africaines par cette voie m’enthousiasme. Pour se rendre de Bangui à Brazzaville, en face de laquelle se trouve Kinshasa, il faut parcourir environ mille kilomètres sur l’Oubangui puis le Congo qui serpentent au milieu de la luxuriante forêt équatoriale. Je n’ai pas d’idée précise de la tournure que prend le chemin, mais je crois savoir que c’est un parcours faisable, que des bateaux (à moteur) le font déjà et que c’est même par le fleuve que les premiers missionnaires se rendaient de Brazzaville jusqu’à Bangui. J’imagine qu’un tel voyage nécessiterait environ un mois. La question majeure est celle du ravitaillement et du logement. Croise-t-on des villages ? La faune est-elle trop dangereuse pour planter une tente ? Les régions parcourues font-elles peser des menaces liées à des conflits ou des activités économiques sous haute tension (or, diamant…) ? Autant de questions pratiques à résoudre avant de partir, à moins d’être un trompe-la-mort, ce que je ne suis pas vraiment…

3- Le Burkina Faso

Avant de partir vivre en Afrique, en 2009, je m’étais acheté une anthologie du cinéma africain. Parmi les films que j’avais visionnés, un m’avait particulièrement touché : c’était Wend Kuuni, réalisé par le burkinabé Gaston Kaboré dans les années 1970. Le récit de ce film se déroule avant la colonisation et raconte l’histoire d’un petit garçon trouvé évanoui dans le sahel et recueilli par une famille. Avec Wend Kuuni, je découvrais émerveillé une Afrique douce, apaisante, simple, heureuse. Cette Afrique, je l’ai par la suite retrouvée en RCA (même si la situation actuelle peut en faire douter), et j’ai gardé en moi le désir enfoui de me rendre un jour au Burkina Faso.

4- La Terre Sainte

J’ai pris le temps, quand l’occasion s’est présentée, de lire la Bible. Et j’aimerais vraiment maintenant voir et visiter ces lieux où les Hébreux ont évolué et développé leur civilisation. Et ce n’est pas seulement parce que je suis croyant que je voudrais visiter les villes où le Christ s’est rendu. L’univers géographique de mon sujet peut nous emmener jusqu’en Syrie, en Jordanie, en Egypte et bien sûr en Israël et dans les territoires palestiniens. Au passage, je m’intéresserais particulièrement à saisir l’ambiance de villes comme Jérusalem ou Ramallah, où les tensions sont encore très fortes.

5- Le Proche et le Moyen Orient

Au-delà d’une thématique biblique, le Proche et le Moyen Orient mériteraient mon attention. C’est vrai que c’est une région du monde qui ne m’attire pas vraiment, mais il s’y est joué et il s’y joue encore tellement d’histoires qu’il faut absolument que je m’y rende un jour. J’organiserais bien, par exemple, un voyage de découverte de la Mésopotamie : Irak, Syrie et Turquie. Mais d’autres pays m’intéressent également, en dehors de ceux déjà cités, tels l’Iran ou l’Arabie saoudite. A propos de cette dernière, j’ai découvert récemment en voulant justement y préparer un voyage que le pays ne délivrait pas de visa de tourisme, sauf pour les musulmans qui veulent se rendre à La Mecque. Cela me semble très caractéristique d’un état d’esprit méfiant et fermé.

6- L’Afghanistan

Bien sûr, l’Afghanistan aujourd’hui ne fait pas vraiment rêver. Pourtant, je pense très sérieusement à m’y rendre un de ces jours. J’évoquais dans un précédent article les Mémoires de guerre du moudjahid Amin Wardak. Les paysages qu’il décrivait et la culture qu’il défendait m’ont franchement donné envie de les connaître. Il est fort probable que dans dix ans le pays soit encore infréquentable, mais pensant cela je cède peut-être trop facilement à la crédulité en un discours médiatique et officiel défavorable à cette destination. J’ai l’intime conviction qu’un voyage bien préparé, avec des guides sûrs et bien choisis, est envisageable.

7- l’Italie

Bien qu’historien (d’une part) et catholique (d’autre part), je ne me suis encore jamais rendu en Italie, pas même à Rome ! Sans doute que la proximité de ce pays me le rend négligeable, non pas qu’il me semble dénué d’intérêt, mais je me dis que j’aurais bien des occasions d’y aller, qu’il suffira que j’en prenne la décision. Ainsi, j’ai eu tendance à privilégier des destinations plus originales, plus rares, plus difficiles d’accès. Je dois préciser aussi que je ne n’aime pas voyager seul et que je privilégie les destinations où je connais quelqu’un ; donc, beaucoup des voyages que j’ai effectués sont des coups du destin ; je ne les ai pas vraiment choisis mais ils se sont imposés à moi. Jusqu’à maintenant, Rome n’a pas su s’imposer.

8- Le Canada en hiver, et le cercle polaire

C’est encore un film qui a excité mon imaginaire du cercle polaire : Le dernier trappeur, de Nicolas Vanier. Fiction dans laquelle l’acteur principal, un trappeur canadien, interprète son propre rôle, on peut y admirer des paysages grandioses et admirablement bien filmés. Depuis, il me prend de rêver de ces grands espaces presque vierges, à la blancheur éblouissante.

9- L’Amérique du Sud, sur les traces de Conquistadores

La fin du XVème siècle et le début du XVIème sont des périodes qui me plaisent pour ce qu’elles comportent d’aventuriers et de parias. Je n’ai pas l’âme d’un guerrier ni celle d’un conquérant, mais ces histoires de voyages vers l’inconnu, ces grandes découvertes, ces confrontations et ces mélanges de culture attisent ma curiosité. C’est pourquoi j’aimerais m’organiser un jour un voyage sur les pas de Cortès, Pizarro ou Aguirre (ce dernier ayant pour servir son œuvre funeste ce film envoûtant de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu, dont la scène finale nous emporte sur un radeau envahi de singes, à la dérive sur le fleuve).

10- Longer le Danube de la source à l’embouchure, à vélo

Voilà le seul voyage de cette liste qui est très clairement inscrit dans mon agenda, en l’occurrence en juillet 2015. Les fleuves piquent mon imagination et constituent des thématiques de voyage très séduisantes. Vous en avez déjà repéré deux paires plus haut : Oubangui/Congo et Tigre/Euphrate, et je viens d’évoquer le fleuve sur lequel se perd le conquistador Aguirre. Le Danube est le deuxième plus long fleuve d’Europe, après la Volga dont la totalité du parcours s’effectue en Russie. Le Danube prend sa source en Forêt Noire, à la confluence de deux rivières. J’ai donc comme projet de partir à vélo de Donaueschingen pour aller jusqu’à son embouchure en delta dans la mer Noire. Je parcourrai ainsi dix pays, quatre capitales et au final environ 3000 kilomètres. Je serais ravi d’avoir des compagnons de route, sur une portion ou sur la totalité du trajet. (Mise à jour août 2015: ce voyage a été effectué, de la source à Belgrade, raconté en cinq articles dont le premier est ici.)

L’exercice maintenant terminé, je me retrouve un peu frustré, car j’aurais pu dresser une liste infinie, j’aurais pu poursuivre avec le tour de l’Atlantique à la voile, Paris-Pékin en courant, le Nord de l’Ethiopie, et puis l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Cambodge, la Namibie, et puis, et puis…