Plus long fleuve d’Europe, le Danube charrie dans ses puissantes eaux toute l’histoire de l’homme blanc, depuis les épopées de Neandertal jusqu’aux soubresauts de l’Union Européenne. Fils de Téthys et d’Océan dans la mythologie grecque, ligne de front entre les Thraces et les Daces, limes de l’Empire romain que des hordes barbares venus d’Orient traversèrent sans scrupule, fierté des Habsbourg de leur apogée à leur chute, lieu d’histoires glorieuses et misérables à Sigmaringen, Ratisbonne, Vienne, Vukovar… le Danube arrose des paysages divers de plaines, de forêts, de montagnes aux noms légendaires : Forêt Noire, Bavière, Bohême, Plaine Pannonienne, Balkans, Carpates, rivière Prout…
Le 11 juillet, je suis arrivé à la gare de Donaueschingen avec la ferme intention de longer à vélo le long fleuve depuis sa source jusqu’à son embouchure. La Brigach et la Breg se rejoignent dans cette petite commune du Bade-Wurtemberg et en se trouvant font du Danube leur illustre refluent. Respectivement partis à 43 et 49 kilomètres de là, ils se rejoignent calmement à 1 kilomètre et demi à l’est de la ville. Dans la ville toutefois, la Donauquelle est symbolisée par une fontaine à laquelle j’ai eu un peu la flemme de me rendre. J’ai privilégié le détour par la confluence – la vraie – où je contemple les deux sœurs quelques minutes avant de partir à l’assaut des 2800 kilomètres qui m’attendent, dans un chemin qui parcoure dix pays, quatre capitales, quatre massifs montagneux, des dizaines d’affluents, et qui se termine en un large delta sur la Mer Noire.
J’étais parti vers 6h30 de Saint-Germain-en-Laye, d’où je m’étais rendu en RER jusqu’aux Halles à Paris. De là, j’avais remonté le boulevard Sébastopol jusqu’à la Gare de l’Est. Et à 8h25, mon train s’ébranlait jusqu’à Strasbourg. Petit tour de la ville en attendant ma correspondance pour Offenburg, quelques kilomètres de l’autre côté du Rhin – en Allemagne, donc. Dernier tronçon jusqu’à Donaueschingen en 1 heure 15 à peine.
La première journée de vélo est courte – c’est le moins qu’on puisse dire : avec le détour par la confluence, 6 kilomètres de la gare au camping où je dois passer la première nuit, au bord d’un joli plan d’eau nommé Riedsee. C’est donc le lendemain que le périple débute vraiment. Je prévois de commencer doucement, à 60 kilomètres par jour environ, avant de monter progressivement jusqu’à 100 (peut-être plus ?). Pour m’accompagner, je dispose de quatre guides en anglais et d’un en français (tronçon Passau-Vienne), plutôt bien faits, avec des explications précises et des cartes claires. J’ai placé dans mon smartphone un dictionnaire français-allemand pour m’aider à communiquer en Allemagne, en Autriche, puis dans ces pays d’Europe centrale et orientale où la culture germanique fut prédominante autrefois et dont il subsiste quelques fragments.
Mon vélo pèse une quarantaine de kilos si on ajoute à son propre poids celui de mes bagages : tente, matériel de réparation, ordinateur, livres, équipements divers, pharmacie, nourriture, vêtements… En attendant, je me prélasse dans le Riedsee et je découvre les joies du camping allemand, où l’on peut sans vergogne se promener en sandales et en slip. Petite surprise : quelques bribes d’allemand me reviennent intuitivement, et je parviens à peu près sans encombre à gérer des conversations courtes et simples : demander mon chemin, régler la note au camping, etc. Les allemands que je croise sont courtois et m’offrent spontanément leur aide.
Vivement demain !
La suite de mon périple danubien:
Etape 1: Donaueschingen > Passau (600 kilomètres)
Etape 2: Passau > Budapest, via Vienne et Bratislava (650 kilomètres)
Etape 3: Budapest > Belgrade (600 kilomètres)
Etape 4: Retour en train (3000 km)