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Interculturalité à Laval

Je me suis rendu à Laval à l’occasion d’une formation sur la rencontre interculturelle que l’on m’a demandé de dispenser à des bénévoles qui travaillent auprès de migrants.

Il y a près d’un an déjà, une émission à la radio m’a poussé à m’intéresser à la Mayenne. L’émission arguait que la Mayenne était une région dynamique, et Laval une ville de plein-emploi. Aussi, lorsque proposition m’a été faite de m’y rendre, j’ai accepté en songeant que ce serait l’occasion de visiter cette ville. Habitant en Ile-de-France, à vingt minutes de Paris en train, j’ai tendance à être réticent à la vie en province. Pourtant, à plus d’un signe je m’aperçois que cette vie-là pourrait me tenter. Et si la petite ville de banlieue où je vis n’avait pas tout de la province à Paris, peut-être aurais-je cédé à la tentation depuis longtemps.

Le premier jour de mon séjour, Laval ne m’offre pas son plus beau visage : sous une pluie drue et froide, à une heure où les rues sont encore peu courues, elle m’apparaît d’une très grande tristesse. Après un quart d’heure de marche, je m’engouffre au plus vite dans le seul musée qui m’intéresse vraiment, situé dans le vieux-château. Demeure médiévale des seigneurs lavallois perchée sur un éperon rocheux surplombant la Mayenne, il abrite maintenant des œuvres de l’art naïf au rez-de-chaussée, et un « salon des merveilles » hétéroclite au premier étage.

À la sortie, en fin de matinée, j’affronte de nouveau la pluie et erre dans les ruelles tortueuses de la vieille ville, me protégeant à intervalle régulier dans la cathédrale, une librairie ou une brasserie. J’ai rendez-vous à quatorze heures avec la propriétaire de l’appartement que j’ai loué en plein centre. Une fois la remise des clés effectuée, je me sèche et me repose un moment avant de repartir à l’assaut de Laval. Il pleut toujours, mais je refuse de perdre ma journée à m’enfermer dans un appartement. Les rues se sont animées progressivement ; des jeunes notamment lui donnent de la gaieté en ce mercredi après-midi.

Le lendemain, changement de décor : le soleil est au beau fixe. Laval perd sa tristesse et j’en perçois enfin la tranquille beauté. Hélas, je n’en profite que très peu : je prends le temps d’une balade matinale pour me rendre à ma formation, puis, en fin du journée d’une marche à pied jusqu’à la gare.

Entre ces deux balades, des échanges passionnants sur l’interculturalité avec une vingtaine de bénévoles auprès de migrants. Il y a deux mois, un « ami d’ami » a partagé sur Facebook un article de Libération que je me suis pris à lire – allez savoir pourquoi : le titre m’a-t-il tenté ? L’auteur, Fouad Laroui, un écrivain présenté comme maroco-néerlandais d’expression française et néerlandaise, nous explique que les racines du mal Daesh sont à chercher dans l’histoire. Mais attention, pas dans l’histoire des vainqueurs – les Européens – mais dans celle des vaincus – les Arabes. Ainsi, il reproche aux médias européens (et au passage à l’éducation nationale), de ne jamais s’intéresser à la vision des vaincus. Il invite ainsi à réintégrer le récit des perdants dans l’enseignement de l’histoire.

J’ai d’abord repoussé la tentation de répondre ici à cet article, car ce blog n’a pas vocation à la polémique. Mais en animant cette formation sur la rencontre interculturelle, j’y ai repensé ; bien qu’en accord avec l’article sur les grandes lignes, je suis gêné à sa lecture. D’abord parce que le ton utilisé me donne l’impression de me faire engueuler. Or, cela fait longtemps que je m’intéresse aux cultures et aux points de vue des autres peuples. C’est justement l’objectif de ce blog. Je lis des auteurs étrangers, j’apprends l’histoire des pays dans lesquels je me rends, je tente toujours de comprendre les logiques qui ne sont pas les miennes – c’est pourquoi je suis formateur sur ces sujets ; je prépare notamment des candidats au départ dans des pays du Sud.

Au cours de ces formations, je suis parfois amené à synthétiser la théorie d’un sociologue, Tony Bennett, qui a notamment travaillé sur notre rapport aux autres cultures. Selon lui, il y a six niveaux de sensibilité interculturelle. Les trois premiers niveaux correspondent à une phase ethnocentrique :
– la dénégation : l’existence d’une autre façon de penser est nié, volontairement ou par ignorance ;
– la défense : la culture de l’autre est ressentie comme une menace ; on s’en défend en définissant la sienne comme supérieure ;
– la minimisation : les différences culturelles sont reconnues mais considérées comme peu signifiantes.
Les trois niveaux suivants correspondent à une phase ethnorelative :
– l’acceptation : tous les comportements, visions du monde et valeurs des autres cultures sont reconnus et acceptés comme valables ou comportant leur « logique » ;
– l’adaptation : par un processus d’addition (apprentissage d’une langue, port de certains vêtements, etc.), la culture de l’autre est intégrée et mise en œuvre dans certaines circonstances ;
– l’intégration : la culture de l’autre devient la mienne. (J’ai fait court).

Bien sûr, selon les circonstances et les sujets, chacun d’entre nous expérimente les six niveaux. Je me situe rarement sur le premier et le dernier, et je m’en tiens souvent au troisième, considéré par beaucoup comme le stade ultime de la rencontre interculturelle : la culture n’est qu’un élément constitutif de notre individualité, et les points communs entre les personnes sont plus importants que leurs différences. C’est une remarque que je me suis souvent faite.

Je ne lis que rarement Libération, que je perçois comme le journal de la bien-pensance, d’une petite idéologie préfabriquée, d’une lecture des évènements que des journalistes tentent de bien faire entrer dans leurs schémas (mais je veux bien admettre que mon jugement est un peu sévère). Toujours est-il que je n’ai pas attendu que quiconque écrive dans ce journal pour savoir quoi penser. En fait, je déteste qu’on me dise quoi penser ; ainsi je déteste beaucoup d’émissions de radio ou de télévision qui véhiculent un prêchi-prêcha moralisateur, nous expliquant ce qui est bien et ce qui est mal.

Il se trouve par ailleurs que la personne qui partage cet article sur sa page Facebook se reproche (nous reproche, devrais-je écrire) de ne pas connaître suffisamment ces populations, ces gens que nous ne comprenons pas. Et il précise : « Jeudi (1er janvier 2016), que ferons-nous ? ». Puisqu’il posait la question à la cantonade, j’y ai répondu dans mon for intérieur : moi, rien de plus que ce que je fais déjà ; j’ai l’esprit tranquille, cher petit bobo parisien qui découvre le monde depuis ton ordinateur. Cela fait des années que je pars à la rencontre des « vaincus », que je m’assois avec eux, sans aucun sentiment de supériorité, que je vis avec eux, mange à leur table… Bien sûr, je n’ai pas levé tous mes préjugés, je ne comprends pas tout, je ne raisonne pas toujours bien, je passe à côté des richesses et de la complexité de nombreuses cultures, même de celles que je fréquente beaucoup : c’est pourquoi je me garde bien de faire la morale et d’invectiver le monde sur ce qu’il compte faire pour se sauver.

Ensuite, cet article m’a semblé un peu à côté de la plaque sur certains points. Contrairement à ce qu’il laisse entendre, il y a bien longtemps qu’à l’école on n’enseigne plus le seul point de vue européen. L’histoire des vaincus ? L’Europe est championne en la matière, on dirait même qu’elle culpabilise d’avoir été parfois vainqueur… « Il faut réécrire l’histoire du XXème siècle, en ayant le courage (ou la folle ambition) d’intégrer tous les récits, celui des perdants aussi, de ceux qu’on a colonisés, écrasés, humiliés… » Mais cela existe déjà !

Il y a toujours eu des guerres, avec des vainqueurs et des vaincus, et je m’étonne que les bobos ne s’indignent pas plus du sort réservé, dans l’historiographie, à Louis XVI, Marie-Antoinette (injustement assassinés), aux Vendéens (victimes d’un génocide, rien de moins) et à leurs « alliés » de Mayenne, ou qu’ils ne retiennent de Napoléon III que le portrait caricatural dressé par Victor Hugo (alors qu’il a modernisé la France en profondeur, qu’il avait un réel et profond souci de la justice sociale), ou encore qu’ils se fouettent d’être les héritiers des croisades qui ont pourtant été – est-il nécessaire le rappeler ? – perdues par les Européens ! Ainsi, dans leur bouche, les vaincus, lorsqu’ils sont européens, sont des méchants qui n’ont eu que ce qu’ils méritaient, mais lorsqu’ils sont arabes ou africains sont des victimes de l’avidité des blancs !

Fouad Laroui évoque un de ces amis universitaires qui affirme qu’il ne parlera d’Anne Frank à son fils que lorsqu’on dénoncera avec plus de véhémence la mort des adolescents palestiniens par l’armée israélienne. Dans quel monde vit-il, cet universitaire, pour prétendre que l’armée israélienne n’est jamais dénoncée, qu’aucun spectacle, aucun film n’est présenté pour défendre la cause palestinienne ? Comment un universitaire peut-il tenir des propos aussi peu subtils ? Et puis, quelle indécence de toujours vouloir mettre en concurrence les mémoires victimaires ! Je ne me suis jamais autant intéressé au Rwanda, à l’Arménie, aux chrétiens d’Orient que depuis que je me documente sur la Shoah.

Enfin, l’article fait la part belle aux accords Sykes-Picot : que les écervelés manipulés qui partent en Syrie tiennent ces accords comme la preuve de l’iniquité des Européens (en l’occurrence des Français et des Britanniques), je peux comprendre, et Fouad Laroui nous l’explique bien. Ces malheureux apologistes d’un régime islamo-totalitaire se raccrochent à ce qu’ils peuvent pour se convaincre du bien-fondé de leur combat. Mais c’est donc cela, l’histoire des vainqueurs que Fouad Laroui nous invite à dépasser : les accords Sykes-Picot ? Des accords mort-nés, qui n’ont jamais été appliqués, qui ont été caduques en quelques mois, remplacés par d’autres accords mettant en œuvre un autre projet ? Pourquoi cette obsession sur messieurs Sykes et Picot, ces deux braves diplomates ? D’ailleurs, si ces accords n’avaient pas été si vite reniés par les gouvernements qui les ont signés, ils porteraient le nom des ministres qui ont apposé leur blase en bas de page, et non celui de Sykes et de Picot. Je vous suggère la lecture de ce long article paru dans le Monde Diplomatique.

Fouad Laroui rapporte le récit de ces membres de Daesh effaçant du pied, en Syrie, la ligne tracée par ces accords. C’est assez ironique, car si l’on met côte à côte la carte du projet Sykes-Picot et celle de l’étendue de Daesh, que constate-t-on ?… Oh, divine surprise : Daesh s’étend sur la zone A établie par les accords de 1916… Ils n’effacent donc rien du tout, les pauvres, bien au contraire, ils donnent presque raison aux soi-disant vainqueurs !

Tout cela nous éloigne de Laval… Au moment de rendre mes clés à la propriétaire de l’appartement où j’ai logé, celle-ci me demande, intriguée, ce qui m’a amené en ces lieux. Lorsque je lui réponds que je suis venu faire du tourisme, elle me regarde, incrédule, comme si l’on ne pouvait venir à Laval que par hasard ou par dépit.

« Suis-je le gardien de mon frère ? »

Je sors de la gare de Belgrade et je plonge immédiatement dans un autre monde. Nous sommes le 31 juillet 2015, il a plu toute la matinée mais l’après-midi s’annonce agréable. Autour des parcs qui jouxtent la faculté d’économie de la capitale serbe s’affairent des milliers de migrants, majoritairement syriens. Je n’ai guère consulté la presse depuis plusieurs semaines et je ne comprends pas tout de suite de qui il s’agit. Ce n’est que quelques jours plus tard, assailli par les actualités, que je comprendrais ce que j’ai vu : la masse impressionnante des réfugiés moyen-orientaux fuyant la guerre et les persécutions. Je prends le temps de visiter Belgrade, je me délecte d’un bon repas dans un restaurant de la rue Kneza Mihaila, et je redescends vers la gare où je dois prendre un train pour Budapest. Autour du train virevoltent quelques clandestins qui voudraient bien monter. Mon réflexe premier – j’en ai un peu honte – est de surveiller de près mes bagages. À Budapest, les migrants sont moins nombreux, mais on les repère facilement, toujours à proximité de la gare internationale, observés de loin par quelques policiers. Une vingtaine d’heures plus tard, j’arrive à Münich : j’ignore alors que je viens d’effectuer, en train, le même trajet que toutes ces familles vont accomplir dans les jours prochains. Cette gare allemande sera le centre de toutes les attentions, les médias nous présenteront ces foules de réfugiés accueillis par une population locale inégalement bienveillante.

Belgrade
Belgrade

J’entendais l’autre jour sur RFI le porte-parole d’un parti politique français s’exprimer sur le sort « inhumain » (sic) que l’on réservait aux migrants en Europe. Il accusait nos responsables politiques et nos élites économiques de tous les maux. Dans le fond, j’étais plutôt en accord avec ce qu’il exprimait, même si je suis toujours méfiant des discours qui identifient trop facilement les coupables d’une situation complexe, surtout que ces coupables sont toujours les mêmes dans la bouche de ces prédicateurs : l’Europe, l’Europe, l’Europe, et jamais : Daesh, Bachar, Sadam, Mouammar… Ce responsable politique finit par en appeler à la libre-circulation mondiale des personnes et à la suppression des frontières pour un monde plus fraternel. Ma première pensée a été de percevoir ce discours comme un doux rêve, avant de me demander si ce ne serait pas au contraire un terrible cauchemar. Car, après tout, ce que cette personne désigne comme une injustice et une honte – le sort réservé aux migrants, enfermés dans des centres à leur arrivée en Europe – n’est-il pas au contraire la garantie non seulement de notre sécurité, mais aussi de la leur ! Car s’il n’y a plus de frontières, et a fortiori plus de contrôles aux frontières, où ces migrants pourront-ils fuir, où pourront-ils se réfugier ? La procédure d’admission des demandeurs d’asile est longue et sévère, mais ceux qui sont dans l’attente sont-ils si malheureux : l’État les loge peut-être modestement et leur octroie une indemnité certes légère, mais combien de pays apportent ce minimum ?

Cet article était quasiment achevé avant les attentats qui ont secoué Paris le 13 novembre 2015, et je relis le paragraphe ci-dessus dans ce contexte. J’en suis maintenant convaincu : un monde sans frontière, c’est le rêve des fous, des salauds et des naïfs !

Depuis le mois de juin, j’ai engagé mes élèves de 2nde dans un projet dont la finalité pédagogique est de leur apprendre à regarder ces migrants avec bienveillance et humanité. Chaque semaine, je me rends avec quelques jeunes dans un CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) situé près de l’établissement scolaire où je travaille. Je suis sensible à ces hommes et ces femmes qui quittent leur terre pour se rendre chez nous. Je suis sensible à ces Irakiens, ces Syriens, ces Nigérians, ces Iraniens, ces Tibétains, ces Érythréens qui fuient l’angoisse de la guerre et les persécutions. Il m’a semblé important de faire prendre conscience à mes jeunes que ces « masses » de migrants étaient d’abord des personnes, avec des histoires, et pas seulement un problème politique et géopolitique. Je n’ai pas eu d’efforts à fournir pour en convaincre plusieurs dizaines de m’accompagner chaque semaine, et je suis ému de leur enthousiasme, de leur joie à rencontrer et aider ces personnes, à faire leur connaissance, à s’occuper de leurs enfants, à converser avec eux en français et en anglais ; je suis ému de ces sourires et de ces accolades qui sont échangés, de ces rires qui éclatent. Parmi ces jeunes, certains sont eux-mêmes des immigrés ou des fils d’immigrés, certains vivent des situations familiales compliquées ; beaucoup sont des gosses de riches qui savent qu’ils ont beaucoup reçu et qu’ils peuvent bien donner un peu – de leur temps, de leur être. Je l’écris sans moquerie, car à une époque où l’on désespère tant de l’égoïsme, voire du nihilisme, de la jeunesse, je suis franchement admiratif de ces adolescents sensibles, joyeux et spontanés.

Parmi les réfugiés que nous rencontrons, il y a Tahmaseb*, un garagiste iranien d’une cinquantaine d’années, un sacré bavard, touchant dans ses efforts pour parler un français que l’on comprend à peine ; un couple de très jeunes Chinois, l’air apeurés, pas toujours présents à nos rendez-vous ; cette jeune maman sénégalaise qui surveille de près sa petite fille de trois ans, peu farouche ; Hassan, un Marocain du Sahara occidental, avec sa femme et son bébé, Nour ; Le pétillant Kamal, toujours souriant, toujours positif, habité par une soif d’apprendre ; Lamia et Hasina, deux copines bangladaises qui sont venues avec mari et enfants, d’une grande beauté et d’une grande douceur toutes les deux; et bien d’autres encore…

Tous sont dans l’attente de la réponse de l’OFPRA – Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ils attendent qu’on leur accorde le statut de réfugié politique. Certains ont déjà essuyé un refus mais persistent, d’autres patientent depuis plusieurs mois. Tous s’ennuient beaucoup. Le centre est éloigné de la ville, dans un environnement franchement glauque, coincé entre trois bretelles de voies de chemins de fer et des décharges sauvages, à proximité de la forêt, en un lieu où se côtoient drogués, prostituées, marginaux divers.

Dans le récit de la Genèse, lorsque Dieu demande où se trouve Abel, Caïn lui répond par une autre question :

« Suis-je le gardien de mon frère ? »

Il me semble que toute l’histoire de l’humanité se tient là, dans cette insolente et cruelle question. Sommes-nous les gardiens de nos frères ? Pour moi, le oui s’impose ! J’ai évoqué dans un article précédent toute l’ambiguïté du don ; dans un autre article, je m’interrogeais déjà sur le bien-fondé de l’idéologie du sans-frontiérisme. Mais je reste intimement convaincu que celui qui souffre doit être consolé ; qu’il faut accueillir l’étranger sans se poser de questions – ou du moins laisser les questions pour plus tard : c’est tout le sens de la procédure de validation du statut de réfugié politique. Cette procédure peut être revue, retravaillée, rendue plus humaine – je n’en disconviens pas – mais elle doit être maintenue dans son principe. Les réfugiés que je rencontre semblent parfois contrariés, car ils se sentent calfeutrés dans leur résidence tristounette, ils ne parviennent que difficilement à se projeter dans l’avenir, à rêver, mais j’ai le sentiment qu’ils sont heureux d’être là, ils se sentent malgré tout accueillis, et en sécurité. Mon expérience est bien sûr limitée à celle d’un CADA, qui n’est pas un centre de rétention – les résidents n’y sont pas enfermés, ils sont libres de leurs mouvements – et je ne sais donc rien de Calais par exemple, de sa jungle, de l’ambiance si particulière qui doit régner en ville. Cet article ne traite que des demandeurs d’asile, et non de ceux, nombreux, qui viennent chercher en Europe (pas toujours en France) un avenir meilleur, un emploi, un logement, une vie décente.

Parce que j’ai déjà maintes fois fait l’expérience d’être l’étranger, je sais à quel point se sentir accueilli chez l’autre est important, mais je ne me suis jamais offusqué de la rudesse d’un douanier ou d’un agent de la police des frontières, car ils sont dans leur rôle lorqu’ils me contrôlent (même si un sourire ne fait pas de mal). Les individus et les États ne poursuivent pas les mêmes objectifs, et la ligne à tenir se situe probablement entre l’accueil que chacun doit à l’étranger, et la sécurité que l’État a l’obligation de maintenir sur son territoire ; car cette sécurité, c’est précisément ce que les réfugiés viennent chercher ! À nous de la leur offrir… le cœur ouvert, et le visage souriant !

(* Les prénoms ont été changés)